Dans le cadre de son Summer of Scandals ARTE diffuse Le Diable au corps (1947) de Claude Autant-Lara lundi 18 juillet à 20h45.
Le Diable au corps, adaptation par Aurenche et Bost du roman de Radiguet, compte parmi les grands classiques de Claude Autant-Lara et passa longtemps pour un film extrêmement subversif, en raison de son sujet. Un étudiant a une liaison avec une jeune épouse dont le mari est parti au front, durant la Première Guerre mondiale. Le roman de Radiguet fut publié en 1923, année même de la mort de l’écrivain à l’âge de vingt ans. Sa publication déclencha un énorme scandale. Un couple illégitime jouissait d’une passion sensuelle tandis que les soldats français mourraient sous la mitraille allemande. Le même tollé se répète à la sortie du film, quelques années seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans le contexte de la Guerre froide Autant-Lara, qui a milité contre les accords Blum-Byrnes et deviendra président de la fédération du spectacle CGT, entend transformer Le Diable au corps en pamphlet pacifiste. La presse et une partie du public lui reprochent d’avoir signé un film antifrançais. Un scandale diplomatique éclate lors de la présentation du film au Festival de Bruxelles. Autant-Lata entre en conflit avec son producteur, qui se désolidarise du propos du film, et doit se résoudre à quelques coupes. Ce parfum de scandale n’empêche pas Le Diable au corps de rencontrer un grand succès commercial et d’être distribué dans le monde entier. La notoriété de son couple vedette (Micheline Presle et Gérard Philipe) n’y est pas pour rien, mais Le Diable au corps, au-delà de son contenu polémique, est avant tout un beau et triste mélodrame. Les amants maudits évoluent dans une atmosphère lourde et hostile. On retrouve dans Le Diable au corps la mauvaise humeur du cinéaste, une méchanceté instinctive qui s’exprime principalement par le biais des personnages secondaires, silhouettes uniformément antipathiques et désagréables, représentants de l’autorité, de la famille et de la bourgeoisie, dont le provocateur Autant-Lara semble détester les idées mais avec lesquels il partage rudesse, aigreur et froideur.
A sa sortie, le critique André Bazin accueillit le film favorablement (« saluons très bas Aurenche et Bost qui ont réussi à adapter sans le trahir et en tenant très intelligemment compte des nécessités du cinéma le roman de Radiguet »), tandis que quelques années plus tard le fils spirituel de Bazin, François Truffaut attaquera justement ce film, Autant-Lara et ses scénaristes dans son pamphlet « une certaine tendance du cinéma français », accusant Autant-Lara de faire des films antibourgeois pour un public bourgeois. Il est vrai que ce film est devenu au fil des ans le symbole d’un cinéma français compassé, audacieux dans son sujet mais souvent conventionnel dans sa forme – voir la scène d’amour qui se conclut par un travelling sur un feu de cheminée avant que les amants ne passent à l’acte, lourd symbole au diapason d’un style suranné.
« Ce devrait être un chef-d’œuvre, ce n’est qu’un film inoubliable », écrit Paul Vecchiali dans son ouvrage passionnant sur le cinéma français, « L’Encinéclopédie » en avouant qu’il a vu le film une quinzaine de fois lors de sa sortie, quand il était adolescent.
A ce classique reconnu du cinéma français on a le droit de préférer des titres trop négligés de Claude Autant-Lara comme Journal d’une femme en blanc (1965) et sa suite Une femme en blanc se révolte (1966), peut-être ses meilleurs films.
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