Olivier Père

Winchester 73 de Anthony Mann

ARTE diffuse Winchester 73 (Winchester ’73, 1950) de Anthony Mann lundi 20 juin à 20h55. Autant dire tout de suite qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre du cinéma américain, un film qu’on peut voir un nombre incalculable de fois sans jamais se lasser de la perfection de sa mise en scène et de sa dramaturgie, sans parler de la qualité de son interprétation. Et pourtant, Winchester 73 n’offre que les prémisses d’une série de westerns réalisés par Mann, tous admirables pour leur sens de l’action et leur approche psychologique complexe et profonde des personnages.

Winchester 73 est le premier des cinq titres du cycle de westerns de Anthony Mann avec James Stewart en vedette. Ces films, à commencer par Winchester 73, explorent les mêmes thèmes (la violence, la vengeance, le courage) sur un mode tragique, et constituent une entrée précoce et magistrale du western dans la modernité et la réflexivité, à l’instar de La Vallée de la peur (Pursued, 1947) de Raoul Walsh ou J’ai tué Jesse James (I Shot Jesse James, 1949) de Samuel Fuller. Loin d’exalter la beauté des grandes étendues sauvages et de glorifier les mythes fondateurs de la conquête de l’Ouest, Winchester 73 inaugure, avec les film de Walsh et Fuller, une nouvelle ère du western qui va mettre en scène des individus névrosés, hantés par des conflits intimes et violents. L’histoire de Winchester 73 s’articule autour de la haine mortelle entre deux frères, du meurtre du père et de l’obsession fétichiste pour l’exemplaire parfait d’une arme de précision, la carabine Winchester modèle 1873. La traque du frère parricide et la succession des infortunés propriétaires de la Winchester, qui tuent et meurent pour sa possession, offrent à Mann et son scénariste Borden Chase l’occasion d’un récit aux résonnances psychanalytiques, mais aussi d’une évocation de l’histoire sanglante des Etats-Unis. Au gré des rencontres et des péripéties incessantes du film sont rappelés des épisodes de la Guerre de Sécession ou la bataille de Little Big Horn. Le film débute à Dodge City, lors des fêtes du centenaire de l’indépendance, avec l’apparition de Wyatt Earp (interprété avec truculence par Will Geer), qui fut vraiment assistant marshal de la ville entre 1876 et 1977, ancrant la croisade vengeresse de Lin (James Stewart) dans un contexte historique réaliste.

Au sein d’un récit sans aucun temps morts, porté par un James Stewart magnifique, on a le plaisir de retrouver la géniale et émouvante Shelley Winters, Dan Duryea toujours aussi savoureux en fripouille sadique, plusieurs figures familières du western hollywoodien et deux jeunes acteurs dans des rôles fugaces mais qui ne passent pas inaperçus : Rock Hudson en chef indien et Tony Curtis en soldat de la cavalerie.

Anthony Mann a déclaré : « Ce fut l’un de mes plus gros succès. C’est aussi mon western préféré : ce fusil qui passait de main en main m’a permis d’embrasser toute une époque, toute une atmosphère. Je crois qu’il contient tous les ingrédients du western et qu’il les résume tous. »

On ne peut que lui donner raison !

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