Olivier Père

La Vénus à la fourrure de Roman Polanski

Dans le cadre de son cycle Roman Polanski ARTE diffuse mercredi 8 juin à 20h55 La Vénus à la fourrure (2013), inédit en clair à la télévision.

Dernier long métrage en date de Polanski – il travaille actuellement à la préparation d’un film sur l’affaire Dreyfus – La Vénus à la fourrure est un exercice de style plus profond qu’il n’y paraît. L’adaptation d’une pièce du dramaturge américain David Ives, elle-même variation autour du roman de Sacher-Masoch donne naissance à un brillant huis clos sur la scène d’un théâtre parisien entre un metteur en scène et une actrice venue passer une audition – les deux seuls personnages à apparaître à l’écran pendant tout le film. Cet homme et cette femme vont se démultiplier et se métamorphoser au gré des retournements de situations et des mises en abyme. La répétition de la pièce, les commentaires critiques de la jeune femme et les protestations de l’auteur conduisent naturellement à une réflexion sur la relation entre maîtresse et esclave, le metteur en scène et son actrice, la divinité et le pauvre mortel. La Vénus à la fourrure cultive l’ambigüité sur les motivations et même l’identité réelle du personnage de Wanda (elle porte le même prénom que l’héroïne de Sacher Masoch), conduisant le film dans les limbes de l’onirisme et du fantastique. Une constante chez Roman Polanski qui dépasse une nouvelle fois un argument trivial pour mettre en scène la punition d’un intellectuel arrogant trop sûr de son talent et de ses idées et poser un regard matois et amusé sur notre société, vulgaire et simplificatrice, avec une verve satirique réjouissante. L’affrontement verbal entre Thomas Novacek et Wanda Jourdain prend progressivement la forme d’une visitation divine comme le souligne la citation du Livre de Judith au début et à la fin du film : « Et le Tout-Puissant le frappa et le livra aux mains d’une femme. »

Œuvre récapitulative La Vénus à la fourrure ressemble à la visite guidée d’un musée miniature reprenant sous forme de citations malicieuses presque tous les films de Polanski – à l’instar de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. C’est aussi une épure frontale, par la simplicité de son dispositif, de tout ce qui travaille l’œuvre du cinéaste depuis ses débuts, à savoir les rapports de soumission et de domination, la concentration dans un univers clos de relations humaines appréhendées sous l’angle de la violence et de la folie. La Venus à la fourrure, premier film en langue française de Polanski, est aussi son plus comique, avec des dialogues décapants irrésistibles de drôlerie, qui brocardent les travers de notre époque, ses lieux communs et ses tics de langage. Mention spéciale à la vacherie sur ARTE qui mérite à elle seule la diffusion du film sur la chaîne franco-allemande. Polanski n’envisage jamais les limites du théâtre filmé comme des contraintes. Il se révèle dans La Vénus à la fourrure au meilleur de sa forme, maître de l’espace et du temps, insufflant au film un mouvement interne d’une efficacité imparable. La Vénus à la fourrure est magnifiquement réalisé, avec un sens du rythme et de l’image qui ne laisse aucune place à l’ennui ou à la banalité. La mise en scène aussi virtuose soit-elle n’est pourtant qu’un écrin pour les interprétations merveilleuses de Mathieu Amalric – transformé en simili double de Polanski – et Emmanuelle Seigner, absolument géniale en femme aux multiples visages, passant avec une rapidité déconcertante de la pétasse écervelée à la comédienne hyper professionnelle, de la femme talentueuse et insolente à la divinité païenne, jusqu’à la bacchante vengeresse.

 

 

 

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