Olivier Père

Panique de Julien Duvivier

Le distributeur Les Acacias ressort en salles mercredi 30 mars Panique (1946) de Julien Duvivier, en version restaurée, ce qui nous offre une excellente raison d’ouvrir sur ce blog une parenthèse Duvivier, puisque Pathé va bientôt rééditer en blu-ray (et au cinéma) trois classiques du cinéaste français, tandis que ARTE lui consacrera un cycle à la rentrée. Nous en parlerons bientôt.

Titre inaugural de ce nouveau coup de projecteur bienvenu sur l’un des plus grands cinéastes français, Panique est aussi le film du retour de Julien Duvivier en France après son exil hollywoodien durant la Seconde Guerre mondiale. Retour difficile et marqué par la suspicion et l’hostilité de ceux qui reprochèrent à Duvivier, Renoir ou René Clair d’avoir renié leur pays.

Duvivier, à l’instar d’autres vedettes et grands noms du cinéma français d’avant-guerre dut patienter quelques années avant de retrouver les faveurs du public et de la profession.

Ainsi Panique, malgré ses qualités qui permettent aujourd’hui de le considérer comme l’un des chefs-d’œuvre de son auteur – et du cinéma français – fut conçu dans des circonstances difficiles et n’obtint pas de succès lors de sa sortie. Il est vrai que le film, par sa cruauté et son pessimisme terribles, sa réalisation aussi, évoque davantage le cinéma français des années 30 qu’un éventuel renouveau esthétique au lendemain de la guerre. Dans Panique Duvivier et son scénariste Charles Spaak, qui adaptent Les Fiançailles de Monsieur Hire de Georges Simenon publié en 1933 posent un regard sans concession sur l’humanité, et signent un film d’une noirceur étouffante. La rengaine que l’on entend à plusieurs reprises pendant le film, fredonnée par un musicien de rue, « l’amour c’est la beauté du monde » ne fait que souligner l’absence d’amour, la laideur morale omniprésente et le déchainement des sentiments les plus détestables dans Panique. « Que dit Panique ? Il dit que les gens ne sont pas gentils, que la foule est imbécile, que les indépendants ont toujours tort… J’ai bien l’impression que nous traversons une époque où les gens ne s’aiment pas » déclarait Julien Duvivier à Lo Duca au moment de la sortie du film. Un tel dégoût, une telle amertume exprimés dans un film nous renseignent sur l’état d’esprit de Duvivier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de son passage à Hollywood, et à son retour en France. Il n’a pas aimé l’optimisme forcené des productions des studios américains, et Panique rappelle à la fois l’atmosphère honteuse de la délation et de l’antisémitisme rampant de l’Occupation (Hire est désigné comme un étranger, un paria, d’origine juive) mais aussi le climat hystérique de lynchage de l’épuration. Dans son tableau de l’abjection humaine Panique a des accents céliniens. Hire, personnage solitaire et misanthrope, affiche son mépris pour ses voisins de la banlieue de Bobigny (admirablement reconstituée dans les studios de la Victorine Nice), condensé de représentants médiocres de la société caractérisés par leur lâcheté, leur bêtise et leur détestation de ceux qui ne leur ressemblent pas. Il est tentant de voir en Hire un autoportrait de Duvivier, marqué par ses relations tendues avec ses concitoyens après la guerre. Duviver prend davantage le parti de Hire, homme seul contre tous, trahi par la femme qu’il aime, victime innocente de la foule déchaînée, que Simenon dans son roman. Hire est génialement interprété par Michel Simon qui renonce dans Panique à certaines de ses outrances pour jouer cet homme inquiétant, souvent antipathique, avec un maximum de sobriété. Le couple des amants criminels est formé par Paul Bernard, toujours excellent en crapule, et Viviane Romance, magnifique vamp du cinéma français, ici au sommet de sa beauté.

 

Panique est également disponible en blu-ray depuis le 2 décembre dans la collection Héritage de TF1 Vidéo.

 

 

 

 

Catégories : Actualités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *