Olivier Père

Boulevard du crépuscule de Billy Wilder

Arte diffuse Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard, 1950) de Billy Wilder lundi 7 mars à 20h55.

Chef-d’œuvre du film noir, Boulevard du crépuscule propose aussi un tableau impitoyable de l’industrie du cinéma hollywoodien. Ce classique absolu rappelle que l’appellation film noir n’était pas seulement une affaire de policiers, de gangsters et de détectives privés mais qualifiait avant tout un traitement violent et cruel d’histoires dramatiques, un regard pessimiste sur le monde et les désirs humains, une atmosphère sombre aux confins de l’onirisme. Boulevard du crépuscule est empreint de ces caractéristiques, portées à leur paroxysme, au point d’être considéré comme l’apogée du film noir, huit ans avant les adieux définitifs au genre que constitue La Soif du mal de Orson Welles.

Gloria Swanson dans Boulevard du crépuscule de Billy Wilder

Gloria Swanson dans Boulevard du crépuscule de Billy Wilder

Billy Wilder et son scénariste et producteur Charles Brackett frôlent la perfection tant au niveau de la mise en scène que du récit, célèbre pour être raconté en voix off par un cadavre flottant dans une piscine, avec trois balles dans le corps. Boulevard du crépuscule est donc constitué d’un long flash back du point de vue d’un mort qui narre aux spectateurs ses mésaventures dans l’usine à rêve de Hollywood, et sa fatale rencontre avec un fantôme du passé. Petit scénariste sans travail et poursuivi par les créanciers Joe Gillis (William Holden) trouve refuge dans un palais des années 20 sur Sunset Blvd. La vaste demeure qui semblait à l’abandon est en fait habitée par Norma Desmond (Gloria Swanson) star oubliée du cinéma muet et son unique domestique, Max (Erich von Stroheim). A moitié folle, tyrannique et possessive, recluse dans ses souvenirs de gloire, Norma Desmond espère encore faire son grand retour à l’écran sous la direction de son metteur en scène préféré, Cecil B. De Mille. Pris au piège du luxe et du chantage émotionnel, Gillis devient l’amant de Norma. La transformation en gigolo du scénariste raté explicite la prostitution généralisée qui règne à Hollywood, où tous sont prêts à se vendre corps et âme. Boulevard du crépuscule suscitera l’admiration immédiate mais fera aussi grincer beaucoup de dents, nombreux seront choqués par ce portrait au vitriol des mœurs hollywoodiennes. Cinéaste de la cruauté – y compris dans la plupart de ses comédies – Wilder organise ici une mise en abyme dans laquelle plusieurs figures de Hollywood au temps du muet, déchues (Buster Keaton, Stroheim) ou encore au sommet de leur puissance (Cecil B. De Mille) jouent leurs propres rôles, tandis que Gloria Swanson et Eric von Stroheim interprètent des personnages aux destinées proches des leurs – Stroheim dirigea Swanson en 1929 dans Queen Kelly, dont le désastre commercial précipita la chute du génial cinéaste, tandis que Swanson a réellement tourné plusieurs films sous la direction de De Mille. La fin du film bascule dans le cauchemar et le grotesque, dimensions qui seront explorées par d’autres titres majeurs provenant de la matrice de Boulevard du crépuscule : Qu’est-il arrivé à Baby Jane? et Le Démon des femmes de Robert Aldrich, Fedora par Billy Wilder lui-même, et plus récemment Mulholland Drive de David Lynch.

 

 

 

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