Récompensé par le Léopard d’or du dernier Festival del Film Locarno le dix-septième long métrage de Hong Sangsoo Un jour avec, un jour sans (Ji-geum-eun-mat-go-geu-ddae-neun-teul-li-da) sort mercredi 17 février dans les salles françaises, distribué par Les Acacias. C’est l’un des premiers chefs-d’oeuvre de 2016, à la hauteur de Hill of Freedom, sorti en 2015. Le coréen Hong Sangsoo est l’un des meilleurs – et plus prolifiques – auteurs contemporains. Avec une constance remarquable il signe un ou deux films par an depuis 1996 et son premier long métrage Le jour où le cochon est tombé dans le puits, avec parfois des accélérations de cadence, des budgets et des équipes de tournage réduits à la portion congrue, sans que cela nuise au résultat, bien au contraire. Un jour avec, un jour sans puise à la même source narrative que la plupart des films de Hong Sangsoo (un cinéaste en ballade, des jeunes femmes à séduire, des soirées alcoolisées) pour proposer une forme aussi passionnante qu’originale. Malgré l’apparent prosaïsme de ses films, Hong Sangsoo pratique un cinéma du dispositif, son œuvre semble s’abstraire volontairement du réalisme pour s’aventurer sur les berges du rêve et de la distanciation. Dans le cas de Un jour avec, un jour sans le récit d’une rencontre dans une petite ville entre un réalisateur invité par un festival et une artiste peintre locale est dédoublé. Le film s’interrompt en son centre puis recommence, générique compris. Les films coupés en deux s’orientent habituellement dans leur seconde partie vers des univers parallèles ou diamétralement opposés, ou abandonnant des personnages pour en suivre d’autres. Ici se reproduisent les mêmes situations avec les mêmes protagonistes, avec de subtiles variations dans les dialogues et les prises de vues. Il ne s’agit pas d’un choix survenu au montage parmi différentes prises des scènes. Hong Sangsoo a tourné deux fois la même histoire, permettant aux acteurs de participer eux aussi, par la finesse de leur jeu, à ce procédé ludique qui rappelle que le cinéma de Hong Sangsoo, dans son onirisme et ses postulats théoriques est aussi proche de Resnais et Buñuel que de Rohmer auquel il fut si souvent comparé. L’idée selon laquelle les films de Hong Sangsoo constituent un éternel retour, un long continuum formé de plusieurs propositions alternatives se retrouve au cœur d’un même long métrage. Loin d’être un simple gadget narratif la répétition de Un jour avec, un jour sans rejoint les réflexions de Hong Sangsoo sur les thèmes de la rencontre, central dans son œuvre, de la recherche illusoire de l’amour et de l’écriture cinématographique, avec une question que ne cessent de se poser les deux protagonistes du film : la création est-elle consolatrice ? Cette merveille d’intelligence et de drôlerie est portée par deux acteurs fabuleux, Kim Min-hee et Jeong Jae-yeong, qui a remporté à Locarno un plus que mérité prix d’interprétation masculine.
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