Olivier Père

Le Mécano de la « General » de Clyde Bruckman et Buster Keaton

En février ARTE rend hommage à Buster Keaton avec la diffusion dimanche 7 février à 22h50 du documentaire de Jean-Baptiste Péretié Buster Keaton, un génie brisé par Hollywood suivi le même soir à 23h45 du Mécano de la « General » (The General, 1926).

Sans oublier vendredi 5 février à 1h50 un numéro du magazine « court- circuit » spécial Buster Keaton, le lundi 8 février à 0h45 et le vendredi 12 février à 6h douze courts métrages produits entre 1918 et 1923, coréalisés ou seulement interprétés par Buster Keaton, en solo ou en compagnie du comique Roscoe « Fatty » Arbuckle.

Tous ces programmes seront disponibles en télévision de rattrapage sur ARTE+7.

Dans Le Mécano de la « General » Buster Keaton interprète un mécanicien amoureux de sa locomotive qui devient un héros de la guerre de Sécession malgré lui en partant à la recherche de la précieuse machine dérobée par des espions de l’Union, déjouant par la même occasion leur plan d’attaque et sauvant de leurs griffes la jeune femme qui l’avait pris pour un lâche. Le Mécano de la « General » s’inspire d’un épisode réel de l’Histoire américaine traité sur le mode du burlesque, mais aussi de la fresque à grand spectacle : le raid d’Andrews, une action militaire qui s’est déroulée le 12 avril 1862 dans l’État américain de la Géorgie, et qui se termina par une poursuite entre plusieurs trains, comme dans le film. Bien qu’il se concentre sur la relation fusionnelle entre un homme et une puissante machine à vapeur, source de gags visuels à la génial précision géométrique, le film de Keaton et Bruckman bénéficie de moyens énormes pour l’époque et met en scène de vastes batailles avec de nombreux figurants et des cascades mécaniques incroyables, sans le moindre recours à des maquettes ou des effets spéciaux. La scène de la chute de la locomotive dans la rivière est la plus onéreuse du cinéma muet. Le Mécano de la « General » est ainsi l’un des chefs-d’œuvre fondateurs du cinéma américain, aux côtés des films de Griffith, Chaplin, Murnau et quelques autres. Sa puissance comique et poétique repose sur les épaules du personnage de Keaton, à la fois dépassé et mu par une détermination sans faille qui lui permet de franchir les obstacles et affronter les dangers. Keaton est l’homme d’action par excellence, son comique ne repose pas sur la maladresse mais au contraire sur une extrême agilité et une précision qui confinent au génie. L’art de Keaton se caractérise par la maîtrise des corps (le sien, ceux des autres et les objets) et de l’espace (celui du plan) et aussi le conflit entre un idéal chevaleresque et la dure réalité du monde. Itinéraire moral et philosophique, Le Mécano de la « General » possède la dimension d’une épopée, à l’échelle d’une nation. Sublime et inépuisable.

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Un commentaire

  1. Bertrand Marchal dit :

    Je viens de revoir ce film en début de semaine. Keaton a créé un personnage comique absolument hors norme, d’une modernité extraordinaire.

    Il met en place des situations où l’atypique (lui) surgit dans un univers typique, ce qui rend ses incarnations troubles et fantastiques. C’est une faille très subtile qui génère une fascination amusée, jamais un rire franc et complice au contraire des films de Chaplin. Chez Keaton, l’humour est plus cérébral, la conséquence d’une « technique » très pointue, aux limites de l’abstraction (voir le génial Sherlock Junior). Les ressorts de l’action flirtent d’ailleurs le plus souvent avec le surréalisme et l’exploit; c’est une hyperbole qui empêche toute forme d’anticipation, en même temps qu’elle désincarne irrémédiablement l’histoire. Du génie hyper-moderne.

    J’avais lu aussi son autobiographie qui est très décevante, anecdotique et pas intellectuelle pour un sou. On n’y apprend rien de son rapport à son art.

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