Olivier Père

Le Magnifique de Philippe de Broca

ARTE diffuse Le Magnifique (1973) de Philippe de Broca dimanche 10 janvier à 20h45. Véritable feu d’artifice d’humour et d’aventure, ce film marque les retrouvailles très réussies de Broca et Jean-Paul Belmondo après Cartouche et L’Homme de Rio la décennie précédente. Le cocktail de rires et d’exotisme est poussé ici à son paroxysme, et de Broca, avec la complicité de son interprète, n’hésite pas à s’engager sur les rives, rarement fréquentées dans la comédie française, de l’humour noir, du Grand-Guignol, de l’absurde et du délire.

L’Homme de Rio évoquait l’univers de Hergé, nous sommes plongés dans Le Magnifique en pleine parodie des aventures de James Bond, OSS 117 et autres héros de romans de gare mêlant violence et érotisme. Les scènes de fusillades sanguinolentes ou de tortures, tournées en dérision, les fantasmes machistes débiles de Bob Saint-Clar évoquent aussi bien les films de Sam Peckinpah des années 70 que la collection des « SAS » de Gérard de Villiers, elle aussi très populaire depuis 1965. Bob Saint-Clar (Jean-Paul Belmondo) est un super espion français envoyé au Mexique où il retrouve son ennemi juré Karpov (Vittorio Caprioli), chef des services secrets albanais, mais aussi la créature de rêve Tatiana (Jacqueline Bisset), censée l’aider dans sa mission. Le Magnifique n’est pas un simple pastiche cinématographique. C’est une mise en abyme, un roman dans le film en train de s’écrire. Jean-Paul Belmondo incarne aussi l’écrivain François Merlin, humilié par son éditeur irascible et mauvais payeur, obligé de pondre des romans alimentaires pour survivre. Il s’inspire de personnages ou de situations réelles pour nourrir les aventures ahurissantes de son héros. Les interférences pullulent et les tracas de Merlin finissent par parasiter le bon déroulement des exploits de Bob Saint-Clar, dans une avalanche de gags visuels digne des plus grands burlesques anglo-saxons. Merlin est aussi timide et malchanceux que Bob Saint-Clar, bête de sexe et machine à tuer, est sûr de lui. Tatiana a les traits de sa jolie voisine qu’il n’ose aborder, tandis que Karpov et son éditeur ne font qu’un.

Pour s’extraire enfin d’une existence d’échecs et de désillusions Merlin devra se venger de son embarrassante création, la réduire à néant non sans l’avoir préalablement ridiculisée.

Avec beaucoup de fantaisie et de brio, de Broca traite sur un mode spectaculaire le thème central de certains de ses films les plus personnels : le conflit entre le rêve et la réalité ; la fuite en avant d’hommes enfantins qui se réfugient dans un monde imaginaire pour échapper à la grisailles quotidienne, aux tracasseries ou tout simplement à l’ennui. Porté par un Belmondo au sommet de sa forme, Le Magnifique est un triomphe.

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *