L’atelier des Images et Studiocanal viennent de rééditer en blu-ray l’excellent Driver (The Driver, 1978), sur un disque qui propose en compléments un documentaire montrant l’équipe de tournage au travail et des discussions avec Walter Hill et le producteur Lawrence Gordon, et un prologue alternatif (plus explicatif sur les relations entre les personnages et leurs motivations) fort judicieusement coupé au montage.
Au sein d’une filmographie inégale mais sympathique – quelques bons titres et pas mal de nanars – Driver s’avère être le meilleur film de Walter Hill, le plus excitant et original tant sur le plan du concept que de l’exécution.
Driver est un exercice de style autour des figures archétypales du film noir, tenté par l’abstraction, sous influence directe de Jean-Pierre Melville et du cinéma japonais. La scène où le conducteur est innocenté au cours d’une identification de suspects par une joueuse qui l’a pourtant reconnu lors d’un braquage dans un casino provient du Samouraï. La scène est cependant moins vertigineuse que dans le film de Melville puisque l’on apprend plus tard que la jeune femme a été payée pour fournir un faux témoignage – la cupidité caractérise tous les personnages de Driver, en premier lieu son supposé héros, à l’exception du détective mû par un obsession pathologique : coincer l’as du volant coûte que coûte, quitte à employer des moyens illégaux. Driver possède la particularité de ne nommer aucun de ses protagonistes. Bruce Dern est un flic irascible, ses collègues sont des souffre-douleurs régulièrement traités de « connards », Isabelle Adjani est une joueuse, Ryan O’Neal (photo en tête de texte) est parfois interpellé sous les sobriquets de « cow-boy » ou de « driver », etc. Cette anomalie est sans doute un clin d’œil au cinéma de Kurosawa (le garde du corps incarné par Toshiro Mifune dont la profession donnait son titre au film Yojimbo) et de Sergio Leone – l’homme sans nom interprété par Clint Eastwood dans la trilogie des dollars. Elle souligne la dimension générique des « personnages » – plutôt des figures dénuées de psychologie, monolithiques, mais caractérisées par une spécialité, un talent particulier avec lesquels elles se confondent. Walter Hill ne se contente pas de citer ses maîtres de cinéma puisque l’épisode du sac rempli de dollars dans une consigne de gare ferroviaire et de la traque dans un train constitue un décalque d’une séquence fameuse de Guet-Apens de Sam Peckinpah écrit par un certain… Walter Hill. Les morceaux de bravoure de Driver sont, sans surprise, des courses-poursuites en voitures dans les rues nocturnes de Los Angeles et elles ne déçoivent en rien, remarquablement réglées et montées. C’est un film qui se bonifie avec le temps et à chaque nouvelle vision je continue de le préférer à d’autres thrillers américains plus côtés comme Bullitt et French Connection, célèbres eux aussi pour leurs cascades automobiles. Dans une sorte de filiation transparente Driver a de toute évidence influencé Nicolas Winding Refn et son Drive.
Ryan O’Neal, acteur sous-estimé, y est formidable. Un « vrai dur » pour reprendre l’expression du producteur Lawrence Gordon, et un bon choix de casting, plus intéressant que si le rôle avait été offert à Charles Bronson, Clint Eastwood ou Steve McQueen. Isabelle Adjani période Nosferatu (donc sublime), dans l’une de ses rares incartades hollywoodiennes, est fascinante de beauté vénéneuse. Il me semble que l’actrice française à la chevelure de jais a été doublée. Je n’ai pas reconnu sa voix et elle ne possède pas le moindre accent (aucune allusion à des origines étrangères de son personnage dans la scène d’intimidation avec le détective). Mais cette impression reste à vérifier.
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