Olivier Père

La Tulipe noire de Christian-Jaque

ARTE diffuse La Tulipe noire (1964) de Christian-Jaque dimanche 3 janvier à 20h50.

À la veille de la Révolution française, dans le Roussillon, le chef de la police La Mouche traque la Tulipe noire, héros du Tiers-Etat et bandit de grand chemin qui détrousse les aristocrates, sans parvenir à l’arrêter. Le justicier masqué est en fait Guillaume de Saint-Preux, l’amant de l’épouse du Marquis de Vigogne. Suspectant Guillaume La Mouche arrive à le balafrer sur une joue lors d’un combat, obligeant le séduisant libertin à envoyer son frère cadet, le timide Julien, le remplacer dans la haute société.

Ce film de cape et d’épée n’a rien à voir, malgré son titre et le crédit au générique, avec le roman d’Alexandre Dumas. Il s’agit d’un scénario original de Christian-Jaque et Henri Jeanson qui brodent un récit d’aventures historiques autour du thème des frères jumeaux et des premiers soubresauts de la Révolution. Les deux hommes empruntent le titre d’un roman de Dumas dans le seul dessein de souligner la parenté avec leur Fanfan la Tulipe réalisé douze ans plus tôt, immense succès considéré comme un classique du genre. Alain Delon, nouvelle vedette du cinéma européen depuis Plein Soleil, entend rivaliser avec Gérard Philipe et endosse avec beaucoup de panache la double – et même triple – identité des frères Saint-Preux et de la Tulipe noire. Ces motifs du dédoublement et du transfert d’identité, que l’on trouvait déjà dans Plein Soleil sur un mode criminel et pathologique, vont traverser la filmographie d’Alain Delon, et trouver leurs points culminants dans Mr. Klein et Nouvelle Vague. Delon, c’est « l’unique et son double » (Jean-François Rauger), le vertige de Narcisse se noyant dans son reflet, enivré par sa propre beauté, suscitant la haine autant que le désir. Guillaume et Julien incarnent les deux facettes que l’acteur Delon va exploiter dès le début de sa carrière, la virilité trompe-la-mort et l’angélisme blessé. La Tulipe noire représente une aubaine pour l’acteur qui s’ébroue avec panache dans le registre du cinéma d’action populaire, après avoir brillé sous la direction de grands maîtres tels que Visconti et Antonioni avec des performances plus intériorisées. Delon réalise ici la plupart de ses cascades et dévoile de réelles aptitudes physiques dans les scènes de bagarres et d’escrime, soucieux de prouver que ses compétences athlétiques valent bien celles de Jean-Paul Belmondo qui s’était illustré dans un autre grand succès du genre trois ans auparavant, Cartouche de Philippe de Broca. La Tulipe noire offre les derniers feux d’un cinéma de divertissement à l’ancienne, joyeux et mouvementé, juste avant que l’aventure moderne ne se teinte en France et ailleurs de connotations plus pessimistes ou ambigües, y compris dans les films que Delon interprètera par la suite.

La Tulipe noire compte également parmi les ultimes réussites de Christian-Jaque et du scénariste Henri Jeanson (ils signent ensemble la même année, dans un tout autre registre, Le Repas des fauves), avec certains dialogues caractéristiques de la verve poilante de Jeanson (« je me souviendrai longtemps du dernier jour de ma vie » – je cite de mémoire).

Delon est bien entouré par des seconds rôles savoureux (Francis Blanche, Akim Tamiroff, Robert Manuel) et Virna Lisi, sensuelle et fougueuse Caroline, amoureuse de Julien, n’a peut-être jamais été aussi belle.

 

Pour toujours plus de Delon on pourra suivre le cycle consacré à l’acteur sur ARTE en février avec les diffusions de Mr. Klein de Joseph Losey, La Piscine de Jacques Deray, Traitement de choc de Alain Jessua, Pour la peau d’un flic de Alain Delon himself ainsi que le documentaire Alain Delon, cet inconnu de Philippe Kohly.

 

 

 

 

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