Olivier Père

Pour la peau d’un flic de Alain Delon

Pathé poursuit la restauration numérique de son catalogue et propose en blu-ray depuis le 16 décembre Pour la peau d’un flic (1981) de Alain Delon, en même temps qu’un autre film policier, 3 Hommes à abattre réalisé l’année précédente par Jacques Deray. Les deux films sont adaptés de séries noires de Jean-Patrick Manchette. Les noms de Delon et Manchette seront réunis une dernière fois au générique d’un film avec Le Choc, adaptation calamiteuse de La Position du tireur couché. Le ratage sera à peu près total et marquera la fin de la non rencontre surprenante entre la star française et le maître du néo polar, mais aussi le déclin inéluctable de Delon au box office, synchrone avec la décadence d’un certain cinéma français du samedi soir. Dans la seconde moitié des années 80 l’acteur se compromettra dans deux polars grotesques, Parole de flic et Ne réveillez pas un flic qui dort où Manchette cède la place à Frédéric H. Fajardie et Jacques Deray à José Pinheiro – tout est dit.

Pour la peau d’un flic est le premier film réalisé par Delon – le second et dernier sera Le Battant, beaucoup plus banal que cette adaptation de Que d’os !, roman de Jean-Patrick Manchette paru en 1976 dans la collection Super noire chez Gallimard. Que d’os ! constitue la seconde enquête du détective privé Eugène Tarpon après Morgue pleine. Tarpon est un ancien gendarme qui a démissionné après avoir tué accidentellement un manifestant, rongé par le remord. Dépressif et doté d’un physique banal il ne correspond pas du tout au Delon sportif et séduisant du début des années 80. L’acteur-producteur-réalisateur préfère donc baptiser son personnage Choucas et Tarpon devient le pseudonyme de Haymann, l’associé fantôme du détective interprété par un Michel Auclair fatigué. C’est la principale modification effectuée par le scénariste Christopher Frank, un peu plus respectueux du roman de Manchette que dans 3 Hommes à abattre. L’intrigue tordue à souhait est plus ou moins la même, délestée des considérations politiques de l’écrivain, mais la plupart de ses dialogues – savoureux – sont reproduit à la lettre. La principale hérésie demeure Delon lui-même, aux antipodes des antihéros de Manchette en général et de son détective privé en particulier. Un prologue nous montre Delon en flic de choc qui s’entraîne une dernière fois au tir, démissionne de la police après avoir méprisé deux collègues ripoux, enfourche sa moto puis fait un doigt d’honneur à un autre motard à un feu rouge. Ce début en fanfare annonce la couleur. L’originalité du film réside dans un sens de l’humour et une décontraction inhabituels chez l’interprète du Samouraï. Delon renonce à son personnage solitaire, monolithique et glacial pour incarner un détective macho et déconneur, avec un bon sens de la répartie – les dialogues sont de Manchette, donc plutôt drôles. Delon conserve les citations cinéphiles du roman mais ajoute à Pour la peau d’un flic, dans un élan d’autodérision un peu trop volontariste des clins d’œil à Mireille Darc et à Jean-Paul Belmondo plus contestables. Delon a dédié son premier film à « J.P.M. ». Même si les deux hommes partageaient les mêmes initiales on a le droit de penser que Delon salue son maître Melville plutôt que l’écrivain Manchette. Delon s’acquitte honorablement de sa fonction de metteur en scène. Pourtant Pour la peau d’un flic ressemble davantage à un bon Lautner (Mort d’un pourri par exemple) avec son cortège de seconds couteaux aux gueules patibulaires et ses jolies pépées (Anne « Woolite » Parillaud, Brigitte Simonin alias Lahaie en infirmière) qu’à un exercice d’admiration pour l’auteur du Cercle rouge. Walter Hill, John Woo ou Johnnie To s’en chargeront mieux que Delon.

Sur un terrain qui n’a jamais vraiment été le sien (l’humour) Delon s’en sort bien tout en sacrifiant in extremis à la violence et au sadomasochisme, avec un règlement de compte final sanguinolent en forme de farce macabre.

 

Pour la peau d’un flic sera diffusé sur ARTE le lundi 22 février à 20h50 dans le cadre d’un hommage à Alain Delon qui comprendra trois autres titre importants de la riche filmographie de l’acteur, sur lesquels nous reviendrons : Mr. Klein de Joseph Losey, La Piscine de Jacques Deray et Traitement de choc de Alain Jessua, ainsi que le documentaire Alain Delon, cet inconnu de Philippe Kohly.

 

 

 

 

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