Olivier Père

Béhémoth – le dragon noir de Zhao Liang

Dans le cadre de son Festival du Documentaire ARTE diffuse Béhémoth – le dragon noir (Bei xi mo shou, 2015) de Zhao Liang mercredi 18 novembre à 23h40. Cet extraordinaire essai documentaire par l’un des grands cinéastes chinois en activité – avec Wang Bing et Jia Zhangke – a été dévoilé en sélection officielle lors de la dernière Mostra de Venise, et il comptait parmi les meilleurs films de cette édition. Dans le Livre de Job Béhémoth est le plus grand monstre sur terre créé par Dieu au cinquième jour. Démon du Mal, le Béhémoth est la force bestiale que les hommes ne peuvent ni contrôler ni domestiquer. Il symbolise ici l’industrialisation et l’exploitation sauvage des richesses naturelles qui a fini par échapper au contrôle des hommes, devenus les marionnettes d’une force qui les dépasse, nourrie par le mouvement perpétuel des machines et d’êtres humains réduits en esclavage.

« Béhémoth – le dragon noir dévoile la face nouvelle et dramatique de la Mongolie intérieure chinoise. Dans ce documentaire, Zhao Liang parcourt d’est en ouest ce vaste plateau où les prairies cèdent la place aux mines de charbon. Sous ses yeux se déploie le processus barbare de l’économie moderne chinoise. Filmé par Zhao Liang lui-même en 4K, le film navigue entre rêve et réalité, allégorie et âpreté du réel, entre images, sons directs (privés de paroles) et musiques. La voix off du narrateur, du voyageur, inspirée de La Divine Comédie de Dante, est aussi celle du cinéaste, témoin des bouleversements de son pays, tandis que les différentes séquences du film établissent un enchaînement de cause à effet, propre à démontrer à quel prix la Chine paie son accession au rang de puissance économique majeure. »

Témoignage accablant sur le désastre écologique et humain qui frappe une région de la Chine, Béhémoth – le dragon noir est aussi – et surtout – une création artistique d’une force sidérante dans lequel le travail visuel de Zhao Liang rejoint celui d’un peintre ou photographe plasticien. Le film débute par une spectaculaire explosion au ralenti filmée sous plusieurs angles, dans une carrière, que n’aurait pas renié le Antonioni de Zabriskie Point. Zhao Liang opte pour une forme cinématographique dans lequel les images possèdent une dimension onirique, avec des intermèdes poétiques – prisme triangulaire devant l’objectif qui brise les perspectives des étendues désertiques – mais surtout une puissance tellurique impressionnantes, avec des paysages dignes de la planète Mars et la descente dans les entrailles de la terre. Dans cet univers dantesque la figure humaine fait une entrée différée, et les gros plans de visages – couverts de poussière, épuisés ou malades – se mêlent bientôt aux espaces gigantesques et vides, aux files interminables des camions remplis de charbon sur une route, les aciéries aux couleurs infernales, aux villes fantômes, dans une succession calquée sur l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis de Dante.

Béhémoth – le dragon noir s’achève sur un constat de désespoir, comme s’il était déjà trop tard. En 30 ans l’extraction du charbon a réduit de 20% la superficie des lacs de Mongolie intérieure, causant d’inestimables dégâts aux sols. Six millions d’ouvriers chinois souffrent de pneumoconiose. Un million de mineurs en sont morts.

Le film de Zhao Liang sera également disponible en télévision de rattrapage sur ARTE+7 et en VOD.

 

Si vous êtes Parisiens vous pouvez aussi découvrir en exclusivité Béhémoth – le dragon noir sur grand écran samedi 14 novembre à 21h30 au Cinéma Les 3 Luxembourg – 67 rue Monsieur le Prince, PARIS 6e Entrée libre dans la limite des places disponibles En partenariat avec la SCAM et le Mois du Film Documentaire

 

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