Olivier Père

Pauvres mais beaux de Dino Risi

Pauvres mais beaux (Poveri ma belli, 1956) de Dino Risi est ressorti mercredi 5 août en salles et en version restaurée, distribué par Les Films du Camélia.

Premier film important de Dino Risi en début de carrière et l’un des titres les plus significatifs de la vague du « néoréalisme rose » qui va s’imposer dans la production transalpine à la fin des années 50 et au début des années 60. Après les heures sombres de l’immédiat après-guerre il s’agit encore pour les cinéastes italiens de porter un regard sociologique sur les mœurs et coutumes de leurs concitoyens, mais au travers d’histoires légères, sentimentales ou comiques, en phase avec le « boom » économique. Cette prospérité retrouvée va aiguiser la verve ironique, et satirique des auteurs de comédies qui vont épingler les travers des Italiens, se moquer d’eux avec cruauté ou gentillesse.

Dino Risi a souvent fait preuve de férocité et même de cynisme dans certains de ces meilleurs films. Il est déjà très en verve dans Pauvres mais beaux et certaines scènes annoncent l’esprit des Monstres – le bal où presque tous les jeunes participants possèdent des physiques disgracieux, mais cette comédie romaine sans excès de cruauté est une farce critique sur le mâle italien et son obsession pour le sexe opposé. Romolo (Maurizio Arena) et Salvatore (Renato Salvatori) sont deux amis inséparables issus des milieux populaires de Rome, même s’ils ont la chance d’habiter à deux pas de la Piazza Navona, au cœur de la Cité Eternelle. Insouciants et charmeurs, ils vivotent de petits boulots (l’un est vendeur dans le magasin de disques de son oncle, l’autre est garçon de cabine dans une guinguette sur les bords du Tibre) et consacrent la majeure partie de leur temps à draguer – maladroitement – les filles. Ils tombent tous les deux amoureux de la plus belles de toutes, Giovanna (Marisa Allasio) et vont de disputer les faveurs de la jeune femme, elle-même hésitante et aguicheuse. Pauvres mais beaux est coécrit par Risi avec Pasquale Festa Campanile et Massimo Franciosa, scénaristes duettistes qui ne tarderont pas à passer à la mise en scène. Les trois hommes se moquent du machisme puéril de leurs personnages principaux, mais on les devine complices dans le désir de filmer et de séduire de jeunes et jolies starlettes. Les auteurs – et par la même occasions les spectateurs masculins – sont ici particulièrement bien servis puisque Giovanna est interprétée par la spectaculaire Marisa Allosio, dont les robes d’été et le bikini blanc mettent en valeur l’érotisme ingénu et les formes généreuses. La Allasio était une sorte de Sophia Loren blonde ou de Brigitte Bardot italienne, en beaucoup moins scandaleuse que le sex-symbol français. Dans Pauvres mais beaux les polissonneries sont bon enfant et la morale catholique est sauve. Giovanna restera fidèle à son grand amour. Las de courir en vain après tout ce qui porte un jupon, les deux copains trouveront le futur bonheur conjugal à leur porte. Les jeunes rebelles prolétaires aspirent eux aussi au conformisme de la petite bourgeoisie, rattrapés par le consumérisme et le confort d’une vie sans histoire.

Risi pointe du doigt une forme de veulerie ordinaire, de triomphe de la médiocrité sur un mode badin – il poursuivra dans cette voie avec davantage de violence dans les années 70, signant des films plus noirs et cyniques sur la société italienne. Pauvres mais beaux est un Risi très drôle, plein d’insolence. Maurizio Arena et Renato Salvatori dans son premier grand rôle sont parfaits, entourés de seconds rôles truculents – comme les frères Memmo et Mario Carotenuto, respectivement en conducteur de tram de nuit qui loue le lit de Salvatore pour pouvoir dormir la journée et en oncle de Romolo, myope et amateur de chair fraiche. La photographie noir et blanc de Tonino Delli Colli offre de magnifiques prises de vues de Rome, ce qui ne gâche rien.

Le succès du film entrainera une suite immédiate sortie en 1957, avec la même équipe devant et derrière la caméra : Beaux mais pauvres (Belle ma povere – traduction exacte « Belles mais pauvres »), puis une troisième partie en 1959 toujours signée Risi, Poveri milionari (« Pauvres Millionnaires ») inédite en France.

 

 

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