Trois jours après la première diffusion de son génial Tabou, ARTE permet de découvrir aussi le 21 novembre dans le cadre du magazine Court-Circuit autour de minuit le court métrage Redemption (2013) de Miguel Gomes découvert à la Mostra de Venise puis distribué en salles. Initiative originale pour un film de 27 minutes mais qui se justifie par la beauté de l’œuvre, petit précipité du talent et de la personnalité hors du commun de Miguel Gomes. Miguel Gomes est un cinéaste portugais né en 1972 à Lisbonne. Il a étudié le cinéma à l’école supérieure de Théâtre et de cinéma. Il a travaillé comme critique dans la presse portugaise et écrit de nombreux textes théoriques sur le cinéma. Il réalise plusieurs courts métrages assez magnifiques (parmi lesquels Inventario de Natal et Cantiques des créatures) qui imaginent un univers cinématographique entre fiction et documentaire, onirisme et réalisme, prose et poésie, sacré et profane. Et un humour pince sans rire qui en fait un cinéaste dandy, dans la tradition du grand João César Monteiro, mais aussi un cousin lusophone de Wes Anderson, que Miguel Gomes aime beaucoup. Autour de Miguel Gomes se créée une petite bande de jeunes cinéphiles, musiciens et cinéastes très doués, qui travaillent en général avec lui (comme le monteur et cinéaste João Nicolau) et aussi une association fructueuse avec le producteur Luis Urbano qui fonde la société de production O som e a Furia, le bruit et la fureur en hommage à Faulkner et qui produira tous ses films, en compagnie du Français Thomas Ordonneau (Shellac).
Redemption – comme les précédents courts métrages de Gomes – est un grand petit film constitué d’images d’archives, empruntées à des documentaires scientifiques, des images d’actualités ou de longs métrages de fiction (Miracle à Milan de De Sica) sur la quête de rédemption de trois hommes et une femme qui expriment en voix off et à des moments clés de leurs vie le besoin de se confier : Le 21 janvier 1975, dans un village du nord du Portugal, un enfant écrit à ses parents en Angola pour leur dire combien le Portugal est triste. Le 13 juillet 2011, à Milan, un vieil homme se souvient de son premier amour. Le 6 mai 2012, à Paris, un homme dit à sa petite fille qu’il ne sera jamais véritablement un père. Lors d’une cérémonie de mariage le 3 septembre 1977 à Leipzig, la mariée lutte contre un opéra de Wagner qu’elle ne peut se sortir de la tête. Ces trois personnages, les cartons de fin nous apprennent que ce sont Pedro Passos Coelho, Silvio Berlusconi, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, transformés en personnages de fiction avec des confessions et des biographies qui sont le fruit de l’imagination des auteurs, Miguel Gomes et Mariana Rocardo. Ce superbe court métrage a été coproduit par l’école du Fresnoy avec la participation des élèves des promotions Raul Ruiz et Chris Marker, parrains de rêve de Redemption puisqu’on pense beaucoup à eux, à leur art du montage dialectique entre l’image et le son en regardant le film.
Miguel Gomes est actuellement en cours de montage – après un tournage au long cours à travers le Portugal, et qui s’est achevé à Marseille – de son quatrième long métrage, une version originale des 1001 Nuits coproduite par ARTE France Cinéma et ZDF, attendue pour l’année prochaine.
Laisser un commentaire