Olivier Père

La Cour de Babel de Julie Bertuccelli

Aujourd’hui sort en salles La Cour de Babel, premier long métrage documentaire réalisé pour le cinéma par Julie Bertuccelli, qui a suivi pendant une année scolaire les élèves et leur enseignante d’une classe d’accueil d’un collège parisien. Pas sûr que tout le monde sache ce qu’est une classe d’accueil quand débute la projection et c’est la première vertu du film que de nous faire découvrir cette particularité du système éducatif français (et d’autres pays européens) : réunir de jeunes adolescents étrangers arrivés en France dans une classe d’accueil pour leur apprendre ou perfectionner leur français, afin qu’ils puissent intégrer par la suite une classe normale. Au fil des saisons – on ne quitte guère l’école et c’est le feuillage d’un arbre dans la cour qui permet de mesurer le temps qui s’écoule – Julie Bertuccelli a filmé ces enfants venus du monde entier qui ont rejoint la France pour différentes raisons, plus ou moins tragiques, liées à leur situation familiale (divorce, recherche de travail des parents) ou alors chassés de leur pays par la guerre, les persécutions ethniques et la violence.

La Cour de Babel montre cette classe comme un exemple de melting pot réussi – sans angélisme, les frictions et les débats houleux sont fréquents, notamment sur le sujet de la religion – mais aussi comme un petit théâtre où s’épanouit la personnalité de chacun.

La Cour de Babel © Pyramide films

La Cour de Babel © Pyramide films

Ce documentaire humaniste rappelle que les forces vives de l’immigration ont depuis toujours irrigué la France, message salutaire dans notre époque de crise où se banalisent le repli sur soi et la peur de l’autre.

La Cour de Babel est avant tout un film plein de vie qui capte un groupe d’adolescents unis malgré leurs différences, surpris dans un moment à la fois drôle et émouvant, ingrat et passionnant de leur existence : l’âge des possibles, entre l’enfance et l’entrée dans le monde des adultes, qui coïncide aussi avec l’abandon – désiré ou forcé – de leur langue et de leur culture et avec l’adoption du Français. C’est dans cet entre-deux que le film est réussi car son optimisme de façade, entre les murs formateurs et bienveillants de l’école, ne fait que renforcer la sourde menace du monde extérieur, nettement moins idyllique, avec les difficultés de l’intégration, les risques d’expulsion et un avenir professionnel incertain. Cette bulle protectrice finira par éclater, mais ces enfants en seront sortis plus forts, et peut-être meilleurs. Ce hors champ pas tout rose ne rend que plus émouvants l’intelligence, l’espoir et les rêves de ces jeunes gens qui permettent de croire encore dans la société de demain, et l’on sera gré à Julie Bertuccelli d’avoir rappelé – ce n’est pas inutile – l’importance capitale du rôle des enseignants et de l’éducation nationale dans la construction intellectuelle et morale des générations futures.

La Cour de Babel est produit par Les Films du Poisson et Sampek Productions, en coproduction avec ARTE France Cinéma et l’Unité Société et Culture d’ARTE France, distribué par Pyramide.

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