Olivier Père

Virgin Suicides de Sofia Coppola

ARTE diffuse ce soir à 20h50 Virgin Suicides (The Virgin Suicides, 1999) premier long métrage de Sofia Coppola, fille de Francis qui avait déjà joué devant la caméra de son père (Rusty James, Le Parrain, 3ème partie), et qui démontre dans ce premier essai un talent original, lui permettant de réactiver un genre en soi, le « teen movie », déjà exploré par de nombreux réalisateurs américains et en particulier son père dans les années 80 avec un superbe diptyque inspiré par la romancière S.E. Hinton (Outsiders, Rusty James.) Sofia Coppola adapte le beau roman de Jeffrey Eugenides et se souvient de Pique-nique à Hanging Rock de Peter Weir. Si l’ombre protectrice de son producteur de père plane sur les premiers pas de Sofia Coppola, la jeune réalisatrice sait s’entourer d’un formidable directeur de la photographie (Ed Lachman) qui compose des images ouatées à la douceur enivrante, avec des portraits de jeunes filles en fleur aux couleurs pastels en clin d’œil aux posters de David Hamilton, et de comédiens chevronnés comme James Woods, Kathleen Turner, Danny De Vito ou Scott Glenn dans les seconds rôles. Elle parvient surtout à évoquer avec beaucoup de sensibilité le « spleen adolescent » et le mystère, sensuel et fascinant, que représentent les sœurs Lisbon, leur vie comme leur mort, auprès des jeunes garçons qui les ont côtoyées. Sofia Coppola impose alors une écriture purement féminine, qui passe par une direction d’actrices inspirée – Kirsten Dunst en état de grâce. Son cinéma est immédiatement marqué par le sceau du fétichisme (disques, vêtements, objets) mais sa superficialité apparente dissimule une profonde mélancolie, et même une morbidité sans appel, entre suicides, vies détruites ou ratées sous le vernis anxiogène de la middle class américaine des années 70, avant l’ultramoderne solitude de Lost in Translation et Somewhere, les prisons dorées de Marie-Antoinette et The Bling Ring.

A l'ombre des jeunes filles en fleur

A l’ombre des jeunes filles en fleur : Kirsten Dunst

Virgin Suicides est un film également célèbre – à juste titre – pour la beauté de sa bande originale en harmonie avec la suave tristesse du propos : les nappes synthétiques de Air, dynamisées par la résurrection de tubes des seventies, avec des adolescents des deux sexes qui communiquent timidement par chansons interposées (scène magnifique.)

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