Dans le cadre de son cycle « Les rois de la comédie »pour les fêtes de Noël ARTE donne un coup de projecteur sur l’acteur et réalisateur Jerry Lewis, à partir de demain soir avec la diffusion du Zinzin d’Hollywood. Ou comment vérifier, en quatre films – parmi lesquels l’excellent Un vrai cinglé de cinéma (Hollywood or Bust, 1956) de son mentor Frank Tashlin (dernier titre de la série de comédies avec son comparse Dean Martin) que le génie de Jerry Lewis n’est pas une invention des critiques français ou une lubie de cinéphile. Dès son premier long métrage en tant que réalisateur, Le Dingue du palace (The Bellboy, 1960), Jerry Lewis fait preuve d’une audace et d’une invention burlesque proches de l’expérimentation. Dans les films suivants, il ajoute à son art du gag une vision très satirique des valeurs américaines (le mariage, le succès) et de l’usine à rêves hollywoodienne. Le Zinzin d’Hollywood (The Errand Boy, 1961) est un des films les plus drôles et ironiques jamais réalisé sur les studios et le star system.
Le Tombeur de ces dames (The Ladies Man, 1961) est l’affirmation, jusqu’à l’exhibitionnisme, des ambitions et des audaces du clown transformé en cinéaste démiurge. Lewis est le dernier représentant d’une tradition du music-hall (le film est construit selon le principe d’épisodes comiques autonomes) mais aussi un artiste moderne, en phase avec les bouleversements formels des années 60, au sein même du divertissement hollywoodien. Mais Lewis ne se contente pas d’utiliser la machinerie des studios comme un luxueux jouet (il inventera les écrans moniteurs qui permettent aux cinéastes de visionner dès le tournage le fruit de leur travail.) Son film dessine le profil psychanalytique de l’homme américain, et envisage les rapports entre les hommes et les femmes, faussés par le culte de la séduction et de la beauté, sous la forme d’un cauchemar agressif et clinquant.
Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor, 1963) est une adaptation intelligente du roman de Stevenson dans laquelle Jerry Lewis règle ses comptes avec le monde du spectacle et dénonce le culte de l’apparence. Docteur Jerry et Mister Love réussit l’exploit d’être une comédie hilarante et un film fantastique d’une virtuosité éblouissante. Lewis est un clown, un transformiste hallucinant, mais c’est également un metteur en scène extrêmement brillant dont la fluidité de la mise en scène et l’utilisation de la couleur influenceront la génération suivante des cinéastes cinéphiles nommés Scorsese, De Palma ou Carpenter. Martin Scorsese réalisera d’ailleurs un très brillant post-scriptum à l’œuvre lewisienne avec La Valse des pantins (The King of Comedy, 1982) satire cauchemardesque de la société du spectacle qui semble dialoguer davantage avec les films de Lewis des années 60 que ses propres films, passés ou à venir. Mis à part Jerry souffre-douleur (The Patsy, 1964), les films suivants de Lewis n’apporteront hélas rien de neuf à son œuvre, si ce n’est une amertume et un pessimisme de plus en plus palpables. On peut néanmoins accorder un traitement exceptionnel au dernier long métrage en date de Jerry Lewis, T’es fou Jerry (Smorgasbord, 1983), étonnant retour aux sources, film expérimental libéré de la progression narrative classique et traversé d’éclairs de génie dans lequel Jerry Lewis interprète un personnage névrosé tentant désespérément de se suicider, argument qui lui inspire des gags d’une grande noirceur.
25 décembre : Un vrai cinglé de cinéma et Le Zinzin d’Hollywood
1er janvier : Docteur Jerry et Mister Love
2 janvier : Le Tombeur de ces dames
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