Olivier Père

Mother de Bong Joon-ho

ARTE diffuse demain soir à 23h25, après Le Rêve de Cassandre de Woody Allen un autre grand film récent, Mother (Madeo, 2009) de Bong Joon-ho, l’auteur surdoué des géniaux Memories of Murders et The Host et dont le nouveau film Snowpiercer, le transperceneige rencontre actuellement un succès mérité sur les écrans français.

Dans une petite ville de campagne une veuve élève son fils unique Do-joon qui est sa seule raison d’être.
A 28 ans, Do-joon se comporte encore comme un enfant, victime d’un léger retard mental et multiplie les bêtises. Le fils et sa mère manifestent un attachement maladif l’un à l’autre, au point de partager le même lit.

Un jour, une adolescente est retrouvée morte et Do-joon, qui a été vu ivre sur les lieux du drame est accusé de ce meurtre.
Comptant sur son seul instinct maternel, ne se fiant à personne, la mère part elle-même à la recherche du meurtrier, prête à tout pour prouver l’innocence de son fils… et à révéler de terribles secrets.

Mother

Kim Hye-ja géniale dans Mother

On ne dévoilera pas davantage à ceux qui n’ont pas vu le film les ressorts d’un scénario à la virtuosité impressionnante, au diapason d’une mise en scène magistrale qui impose Bong Joon-ho comme l’un des cinéastes les plus talentueux et originaux du cinéma contemporain.

 

Mother est un drame psychologique intense qui emprunte des éléments du thriller et du film criminel. Comme Hitchcock, Simenon et quelques autres l’intrigue policière sert de révélateur à l’inconscient des personnages et aussi de tout un pays, la Corée du Sud, partagé entre archaïsme et modernité, brutalité et volonté pacificatrice. Le cinéaste excelle à faire coïncider des éléments hétérogènes, de l’action pure à l’étude comportementaliste, et pratique comme personne le mélange des genres, associant le lyrisme du mélodrame et les épisodes triviaux de la vie quotidienne et de la comédie. Son sens du grotesque va de pair avec un art du détail visuel à la précision chirurgicale, rendu possible par la sophistication extrême du montage et des mouvements de caméra. De la même manière que The Host était un film de monstre géant ET une histoire de famille, Mother est un drame familial ET un terrifiant film à suspens peu avare en rebondissements.

Impossible de désigner l’un comme plus intimiste ou plus spectaculaire que l’autre, tous les films de Bong Joon-ho parviennent à concilier une dimension émotionnelle surpuissante et une signification politique qui ne l’est pas moins.

Mère...

Mère…

Bong Joon-ho a choisi pour interpréter le rôle féminin principal Kim Hye-ja, icône du cinéma coréen âgée de 70 ans au moment du tournage qui incarne justement, aux yeux du public populaire coréen, la figure de la mère. Choix audacieux et actrice géniale pour un film qui propose une vision très noire, hystérique et monstrueuse, du matriarcat – sans doute aussi important en Corée qu’en Italie – et du sentiment maternel. Rien de plus coréen ni de plus universel donc, que le sujet de Mother, présenté ainsi par son auteur :

« Mother est un défi sur le plan cinématographique pour moi, car mes films précédents étaient tous des histoires qui tendaient à l’extension: si une affaire de meurtre me conduisait à parler des années 80 et de la Corée (Memories of Murders), et que l’apparition d’une monstre (The Host), me poussait à parler d’une famille, de la société coréenne et de sa relation avec les Etats-Unis, Mother est, au contraire, un film où toutes les forces convergent vers le cœur des choses. Traiter de la figure de la mère, c’est du déjà-vu mais je vois ce film comme une nouvelle approche et j’espère qu’il sera également perçu ainsi par les spectateurs, comme quelque chose de familier mais aussi d’étranger. »

... et fils

… et fils

Ce va-et-vient entre l’extension et le rétrécissement, le dehors et le dedans, le spectaculaire et l’intime dont parle Bong Joon-ho s’exprime une nouvelle fois à la perfection dans Snowpiercer, le transpecerneige film de science-fiction visuellement ébouriffant plein de bruit et de violence, allégorie sur la lutte des classes et aventure humaine dont l’intégralité de l’action est confinée dans les wagons d’un train traversant indéfiniment les espaces silencieux et glacés d’une terre post apocalyptique.

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