Olivier Père

Barabbas de Richard Fleischer

ARTE diffuse ce soir à 20h50 Barabbas (Barabba, 1965) de Richard Fleischer, superproduction italo-américaine adaptée du roman de l’écrivain suédois Pär Lagerkvist (scénario du dramaturge anglais Christopher Fry), produite par Dino De Laurentiis avec une distribution internationale dominée par Anthony Quinn dans le rôle-titre.

Barabbas, assassin et voleur, est gracié par le peuple de Jérusalem alors que Jésus est crucifié. Incapable de comprendre la foi des premiers Chrétiens, il retrouve son ancien mode de vie. Mais plusieurs hommes et femmes autour de lui, parmi lesquels sa maîtresse Rachel, sont devenus des disciples du Christ.

Ce péplum hors du commun est une nouvelle démonstration du talent exceptionnel de Richard Fleischer, cinéaste également doué dans les registres du spectaculaire et de l’intime. Il le prouve à l’intérieur même de ce film qui met en scène à la fois le cheminement d’une âme, de la damnation au salut, et des morceaux de bravoure épiques et grandioses, toujours appréhendés du point de vue de Barabbas, voleur ordinaire dont la capacité à survivre aux épreuves les plus inhumaines (prisonniers dans des mines de soufre en Sicile pendant vingt ans, gladiateur à Rome) deviendra légendaire. Fleischer, à juste titre, était très fier de Barabbas, longtemps sous-estimé parmi les nombreux films bibliques réalisés dans les années 60, aujourd’hui considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du genre, et l’un des meilleurs titres du cinéaste. Fleischer déclarait dans un entretien : « Barabbas est une juxtaposition de symbolisme sur la Lumière et les Ténèbres, la Mort et la Résurrection. (…) La difficulté du film résidait dans la possibilité de visualiser les tourments intérieurs d’un homme illettré et peu communicatif, qui ne se rend même pas compte de ses propres sentiments ou ignore la façon de les interpréter. »

Malgré des capitaux américains et la présence de Fleischer à la mise en scène Barabbas est une superproduction avant tout italienne qui jouit du talent des meilleurs artistes et artisans de Cinecittà, notamment le directeur de la photographie Aldo Tonti, collaborateur régulier de Rossellini et Lattuada qui signe des images superbes, clairs-obscurs aux tons monochromes (inoubliables séquences de la mine de soufre, dignes de l’enfer de Dante.) La composition picturale des plans, d’une beauté constante, renvoie aux tableaux de la Renaissance. Les deux crucifixions qui ouvrent et closent le film comptent parmi les plus impressionnantes de l’histoire du cinéma.

Anthony Quinn

Anthony Quinn

Interprétation admirable d’Anthony Quinn, bien entouré par Silvana Mangano et Vittorio Gassman, sans oublier Jack Palance au sommet de sa démence grimaçante en gladiateur sanguinaire. On pourra comparer l’entraînement des gladiateurs et les combats dans l’arène avec ceux de Spartacus diffusé la semaine dernière sur ARTE. La démesure des décors et la figuration gigantesque du film de Fleischer laissent penser que ce dernier bénéficia de moyens encore plus colossaux que Kubrick.

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