Le cinéaste italien Carlo Lizzani s’est suicidé le 5 octobre à l’âge de 91 ans. A la fin des années 60, certains cinéastes engagés s’aventurent dans des entreprises ouvertement commerciales mais néanmoins porteuses d’un message politique sans ambiguïté, solidaire de la ligne du Parti Communiste italien. Parmi eux, principalement, Damiano Damiani (El Chuncho, La Mafia fait la loi, Nous sommes tous en liberté provisoire, disparu il y a quelques mois) et Carlo Lizzani. Disciple de Rossellini, ancien résistant, critique de cinéma, communiste, Lizzani va tenter dans les années 60 d’appliquer certains principes esthétiques du néo-réalisme à des films dossiers, traitant de sujets historiques, sociaux ou politiques. Comme bon nombre de ses confrères il débute comme scénariste en participant notamment à l’écriture des films de Giuseppe de Santis (Riz amer, Pâques sanglantes…) et d’Allemagne année zéro. Lizzani va alterner durant sa carrière les œuvres sérieuses et respectables (Chroniques des pauvres amants), les productions plus commerciales liées aux modes du cinéma de genre et les films aux frontières du « trash » mêlant préoccupations politico-sociales et cinéma d’exploitation crapoteux (Storie di vita e di malavita, Kleinhoff Hotel).
C’est dans la deuxième catégorie que Lizzani a signé ses films les plus enthousiasmants, chroniques criminelles revisitant l’histoire contemporaine de l’Italie ou les rouages de la mafia avec rigueur et bénéficiant du savoir-faire du cinéma transalpin des années 60 et 70. Le premier et le meilleur film de cette série est Le Bossu de Rome (Il gobbo, 1960) avec Gérard Blain, inspiré de l’histoire vraie d’un petit gangster qui devint l’un des chefs de la résistance durant l’occupation de Rome par l’armée allemande en 1943. Le succès du film encouragera Lizzani à persévérer dans cette voie. Certains de ces titres autrefois populaires en Italie sont tombés aux oubliettes et on aimerait découvrir Lutring, réveille toi et meurs (Svegliati e uccidi, 1966), Torino nera (1972) sur la pègre turinoise ou Crazy Joe (1974) un autre mafia-movie violent cette fois-ci tourné à New York avec Peter Boyle et produit par l’habituel Dino de Laurentiis. Lizzani a aussi tourné deux westerns anecdotiques, Du sang dans la montagne (Un fiume di dollari, 1966) pas mal, et le décevant Tue et fais ta prière (Requiescant, 1967), lourde allégorie politique où l’on croise Pasolini en paysan mexicain ! N’est pas Corbucci ni Sollima qui veut…
Bandits à Milan (Banditi a Milano, 1968, photo en tête de texte) est un des titres séminaux du polar à l’italienne (avec La polizia ringrazia de Stefano Vanzina) et un des meilleurs films de Lizzani toutes catégories confondues. On y retrouve une dimension ouvertement documentaire, une esthétique qualifiable de néo-réalisme dégradé. Le film prend comme point de départ la reconstitution minutieuse des agissements d’une bande de gangsters organisateurs de plusieurs braquages de banques. Mais le film ne lésine pas non plus sur l’action, le suspens, et invente un folklore et des personnages qui seront par la suite déclinés dans les polars de série B mis en scène par Umberto Lenzi, Enzo G. Castellari, Stelvio Massi et les autres avec plus ou moins de bonheur, beaucoup plus de cynisme et une idéologie affichée à droite. Gian Maria Volonté est excellent en chef de bande tandis que Tomas Milian, futur abonné du genre, campe un flic dur à cuire, premier d’une longue lignée dans le polar italien qui triomphera dans les années 70 en acclimatant à la sauce locale les inquiétudes sécuritaires et les dérives morales de French Connection, L’Inspecteur Harry et Un justicier dans la ville.
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