Olivier Père

TIFF 2013 : The Green Inferno d’Eli Roth

Présenté samedi soir dans la section « Midnight Madness », The Green Inferno est l’hommage d’Eli Roth aux films de cannibales italiens, ainsi que le prolongement de son diptyque Hostel, sur un mode plus ludique.

Parmi les filons les moins respectables du cinéma d’exploitation européen des années 70 et 80, le film de cannibales possède néanmoins ses titres de gloire appréciés des amateurs tels que Le Dernier Monde cannibale et Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, Au pays de l’exorcisme ou Cannibal Ferox de Umberto Lenzi.

Cannibal Holocaust surtout s’est imposé comme un titre fameux et emblématique de la mode du cinéma gore au début des années 80, repoussant les limites du représentable et de la bienséance, objet de scandale qui balayait les principes moraux les plus élémentaires avec un cynisme encore plus atroce que ses images. Impossible donc pour Eli Roth de faire mieux – ou pire c’est selon – que son infâme modèle, et il le sait. Si The Green Inferno est beaucoup plus dégoûtant et choquant que la plupart des films d’horreur tournés actuellement, il ne cherche pas à égaler Deodato, ni à pulvériser les records du « torture porn », sous-genre malheureusement lancé par Hostel et sa suite, films qui valent beaucoup mieux que leur engeance illégitime et minable. Pas de viols, de racisme ou de massacres d’animaux réalisés sans trucage dans The Green Inferno, ni de recours aux faux « found footage » ou documentaires bidonnés inventés par Cannibal Holocaust et repris dans de nombreux films de genre depuis Blairwitch Project. On remarquera aussi que The Green Inferno est chaste, sans nudité alors qu’on s’y démembre et dévore allégrement et que le sang gicle à flot, nouvelle preuve que le puritanisme du cinéma américain tolère davantage le meurtre le plus sauvage qu’un sein dévoilé, même au milieu de la jungle.

En revanche, Roth exagère la dimension satirique et sarcastique de son cinéma, déjà présente dans Hostel, en se moquant des relations que les citoyens des Etats-Unis entretiennent ou croient entretenir avec le reste du monde. Après le tourisme sexuel et le délire consumérisme critiqués sur un mode cauchemardesque dans Hostel, c’est au tour de la bonne conscience humanitaire d’être tournée en dérision. De jeunes américains décidés à s’investir dans la juste cause de la sauvegarde de la forêt tropicale et de ses peuplades primitives sacrifiées sur l’autel du capitalisme et du monde moderne. Les militants écologistes amateurs découvriront plus tard qu’ils ont été manipulés par un faux leader charismatique et une vraie fripouille.

Cet argument permet à Roth d’inverser différentes situations pour aboutir à un retournement cruel qui verra les amis des Indiens entre les mains d’une tribu de cannibales. Beaucoup moins sérieux que dans Hostel, Eli Roth donne libre cours à sa veine potache, prétexte à des scènes sanguinolentes mais aussi d’humour scatologique dignes des sexy comédies de série Z dont le réalisateur semble également être friand. Véritable plaisir coupable, The Green Inferno ne s’impose pas comme le grand film d’horreur qu’il aurait pu être, moins radical que les deux Hostel, malgré des séquences d’anthologie qui rivalisent en cruauté et en hystérie avec leurs modèles signés Deodato et ses imitateurs. Mais il assoit aussi le statut particulier du mauvais sujet Eli Roth, bouffon, vulgaire et décomplexé, porteur d’un véritable regard ironique sur son pays et les travers ridicules de notre époque, et qui permet d’affirmer que sur le plan politique il n’est pas un réalisateur si anodin que cela.

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9 commentaires

  1. Bertrand Marchal dit :

    Je vous fais confiance: je vais rendre sa chance à ce film que j’avais arrêté au bout d’un quart d’heure. Pour moi, le grand espoir du fantastique traditionnel, c’est Ti West. J’avais tout de suite accroché à son sens de la mise en scène dans The House of the Devil. Et la suite ne m’a pas déçu.

  2. Bertrand Marchal dit :

    J’ai retenté l’expérience: impossible de dépasser 15 minutes (et je compte large) de ce festival d’acteurs de deuxième et troisième catégorie. Ça ne plaide pas en faveur d’Eli Roth qui s’avère incapable de les choisir et/ou de les diriger.
    Si le gourou au pouvoir magnétique dont vous parlez est le président du club des militants eco-socialistes, c’est le plus mauvais de tous, un charisme de carpette…
    Un cinéaste qui ne se prend pas au sérieux à ce point là, qui avance ses pions avec une lourdeur aussi visible, et n’aurait rien d’autre à offrir qu’un règlement de compte ricaneur ne m’intéresse pas du tout. A chacun ses « plaisirs coupables »!

    • Olivier Père dit :

      Ah ah oui je vous le concède c’est un plaisir coupable.
      Et vous avez raison d’écrire que Ti West est un réalisateur plus intéressant, que je suis depuis House of the Devil.

  3. Bertrand Marchal dit :

    Espérons que sa trajectoire ne ressemblera pas à celle de Twohy (dont j’attends quand même le prochain Riddick – voilà mon plaisir coupable!) ou de James Wan (Aquaman, franchement?).

    • Olivier Père dit :

      James Wan ne m’a jamais intéressé. A-t-il fait des bons films ?
      Pour en revenir à Eli Roth sous ses airs de débile mental je trouve qu’il a quand même un certain talent de satiriste. J’aime bien Knock Knock et ses deux Hostel, mais Thanksgiving m’a déçu et je ne suis pas allé voir son remake de Death Wish.

  4. Bertrand Marchal dit :

    les 2 premiers Dossiers Warren sont vraiment bien. Insidious aussi, en grande partie.
    Wan est d’abord un scénariste intéressant qui croit au genre qu’il défend avec la naïveté (roublardise?) d’un Spielberg et la ruse d’un M. Night Shyamalan. Le genre horreur demande que le spectateur adhère à des conventions, à des codes familiers; la force de Wan est de déformer ces attentes et souvent, il parvient à entretenir le doute et à nous mener par le nez.
    dans Malignant, il a pimenté ses influences d’une touche de Sam Raimi tout à fait jubilatoire. Malignant est un film baroque et boiteux; c’est essentiellement son croque-mitaine enragé qui en fait l’intérêt. Il est formidable, mais Wan le sait un peu trop… et le film est trop auto-complaisant.
    Il prépare un King Kong… why not!

  5. Bertrand Marchal dit :

    Puisqu’on n’est par vraiment hors sujet étant donné que l’article s’inscrit dans le TIFF. J’en profite pour vous recommander Terrifier.

    Un franchise sur un clown tueur. le 1 est glauque, noirâtre, mal foutu, mais on sent une patte. Le deuxième est vraiment excellent. Plus d’humour, mais d’une noirceur terrible. Un Freddy puissance 10. le 3 est annoncé comme un film scandaleusement gore et immoral, j’ai hâte de voir ça!

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