Olivier Père

66ème Festival del film Locarno

Le 66ème Festival del film Locarno débute demain. Pour sa première année à la tête du festival suisse, le nouveau directeur artistique Carlo Chatrian a d’ores-et-déjà « signé » cette édition, réussissant une compétition internationale (concorso internazionale) à faire pâlir – ou rougir, c’est selon – les manifestations cinématographiques concurrentes et autres sections parallèles de festivals prétendument plus prestigieux. Je suis heureux que Carlo Chatrian et son équipe – car le talent, c’est d’abord bien s’entourer – aient poursuivi avec autant de brio le changement – éditorial et structurel – que j’avais entrepris en 2010 en arrivant à Locarno. Ces efforts (les leurs et les miens) n’auront pas été vains, et ils devraient continuer à fournir de nombreuses satisfactions à ceux pour qui le cinéma importe encore : les professionnels qui perçoivent davantage aujourd’hui l’importance et l’utilité de Locarno, le public curieux et cinéphile du festival, ses organisateurs enfin, dont le labeur difficile – je sais de quoi je parle – mérite une nouvelle fois d’être salué, et récompensé par le succès.

L’avantage, la force et la particularité du Festival del film Locarno, entre de bonnes mains, c’est de pouvoir affirmer un regard critique et l’expression d’un goût qui n’est pas forcément le goût dominant, mais qui est souvent meilleur que ce dernier. C’est aussi réussir à faire circuler quelques idées et réflexions pertinentes sur le cinéma, passé, présent et à venir, en sélectionnant les meilleurs représentants de la création cinématographique contemporaine, jeune et moins jeune.

Le programme excitant de la compétition cette année permettra de découvrir en première mondiale les nouveaux films de quelques-uns des plus passionnants cinéastes actuels, que nous avons eu la chance de suivre et d’admirer depuis plusieurs années :

Când se lasa seara peste Bucuresti sau Metabolism (« Quand le soir tombe sur Bucarest ou Métabolisme ») de Corneliu Porumboiu, déjà vu, aussi beau que son titre est long, U Ri Sunhi de Hong Sangsoo, Pays Barbare du couple de poètes essayistes Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Historia de la meva mort (« Histoire de ma mort ») d’Albert Serra (déjà vu, chef-d’œuvre), Real de Kiyoshi Kurosawa, Tomoguy de Shinji Aoyama, sans oublier une sélection française alléchante : Gare du Nord de Claire Simon, Une autre vie d’Emmanuel Mouret, L’Etrange Couleur des larmes de ton corps d’Hélène Cattet et Bruno Forzani (les auteurs d’Amer) et le très attendu premier long métrage de Guillaume Brac, une histoire d’amour fou avec Vincent Macaigne, Solène Rigot et Bernard Menez, Tonnerre.

Quentin Dupieux viendra quant à lui jouer pour la troisième fois après Rubber et Wrong les trublions sur la Piazza Grande avec son nouvel opus, Wrong Cops (déjà vu) cocktail explosif de provocation, d’absurde, d’humour très noir et d’invention formelle. Egalement sur la Piazza Grande, la nouvelle comédie du plus talentueux jeune réalisateur suisse : Les Grandes Ondes (à l’ouest) de Lionel Baier.

Sans oublier les nombreux films encore inconnus, découvertes et révélations, toutes sections confondues qui constituent l’une des principales raisons d’être de Locarno, fidèle à sa réputation de tête chercheuse, clairvoyante et exigeante, et de laboratoire du cinéma mondial.

Parmi les nombreux programmes spéciaux, hommages et rétrospectives organisés par le festival, et plusieurs invités de prestige (Faye Dunaway, Jacqueline Bisset, Anna Karina, Douglas Trumbull…) on retiendra surtout la présence de deux grands cinéastes primés pour leur extraordinaire contribution à l’histoire du cinéma : Werner Herzog (Pardo d’onore) et Otar Iosseliani (Pardo alla carriera.)

 

Je regrette de ne pouvoir me rendre à Locarno cette année, mais mes pensées affectueuses accompagneront du 7 au 17 août l’équipe du festival, avec qui j’ai eu le plaisir et l’honneur de travailler le temps de trois éditions, ainsi que mes amis tessinois et les nombreux spectateurs d’une manifestation qui peut également s’enorgueillir de sa dimension populaire et de l’intelligence de son public, toujours fervent et enthousiaste. Locarno, un festival où le cinéma est plus vivant que jamais.

 

 

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