Le samedi 8 juin Sylvie Pras organisait au Centre Pompidou une discussion entre Albert Serra et Lisandro Alonso, dans le cadre de leur correspondance filmée (on en a beaucoup parlé ici) et de la projection des films du cinéaste argentin.
Albert Serra, dans le rôle du modérateur et de l’interviewer, décida de poser des questions à Lisandro Alonso au sujet de son nouveau long métrage, dont le tournage vient de s’achever. Il s’agit d’un film encore sans titre, un voyage entre le Danemark et l’Argentine, le passé, le présent et un espace-temps purement mental, interprété entre autres par Viggo Mortensen. Nous reproduisons ici certains propos de Lisandro Alonso au sujet de son film et de sa collaboration avec l’acteur américain – également coproducteur.
« En 2006 j’ai accompagné Fantasma au Festival de Toronto, après sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. La même année il y avait un film espagnol à Toronto, Capitaine Alatriste avec Viggo Mortensen. Une fête du cinéma latino américain avait été organisée. J’étais ivre mort et c’est là que j’ai rencontré Viggo Mortensen pour la première fois. Il avait vu Fantasma et avait eu une réaction très positive, alors qu’il s’agit sans doute de mon film le plus expérimental, ce qui n’a pas manqué de m’étonner.
A cause de cette rencontre improbable, l’idée a germé dans ma tête de faire un jour un film avec Viggo Mortensen. Cette idée ne m’a pas lâchée pendant six ans, mais cela restait un fantasme très personnel et secret.
A partir de 2008 j’ai traversé une période au cours de laquelle je ne voulais continuer à faire du cinéma qu’à la seule condition de trouver une nouvelle forme de film. Je voulais changer ma relation avec la mise en scène car je n’avais plus envie de faire des films qui me laissaient complètement épuisé, et sans désir.
Le choix de travailler avec Viggo Mortensen est né en raison de sa personnalité, car ce qu’il est dans la vie dépasse de très loin la sphère professionnelle et tout ce qu’il a pu faire au cinéma. Il parle très bien l’espagnol, c’est un supporter fanatique du club de football de San Lorenzo… »
Albert Serra demande à Lisandro Alonso s’il travaille de la même façon avec un acteur professionnel ou avec un non professionnel.
« Viggo Mortensen n’est pas le seul acteur professionnel à jouer dans mon nouveau film. Il est entouré d’acteurs argentins, mais aussi de gens qui n’ont jamais été filmés par une caméra. C’est donc une expérience nouvelle pour moi et je ne savais pas vraiment comment procéder. Je n’allais quand même pas expliquer à Viggo Mortensen comment il devait jouer. Je crois que c’est surtout lui qui m’a beaucoup aidé et apporté sur le tournage, car il avait les idées très claires sur ce qu’il voulait faire sur ce film. De toutes façons je ne fais pas de distinction entre des acteurs professionnels ou non, certaines personnes réclament plus d’attention que d’autres sur un tournage, c’est tout.
(…) Je n’ai pas envie de me comporter en cinéaste tyran. Si j’embarque avec moi un acteur comme Viggo Mortensen ou un chef opérateur finlandais (Timo Salminen, directeur de la photographie des films d’Aki Kaurismäki, ndr) c’est que j’ai beaucoup à apprendre d’eux. »
Le film est attendu pour l’année prochaine. Lisandro Alonso est un cinéaste qui considère encore le cinéma – son tournage et sa fabrication – comme une aventure, humaine et sensorielle. Une aventure que l’on retrouve toujours sur l’écran, et qui n’a pas fini de captiver les spectateurs. Une partie du mystère autour du film – à commencer par son titre – sera levée dans quelques mois. Mais nul doute que le film, une fois terminé, ne délivrera pas tous ses secrets.
Le film est une coproduction entre l’Argentine, le Danemark, les Pays-Bas et la France (Les Films du Worso), avec la participation d’ARTE / COFINOVA.
Pour voir et écouter l’intégralité de la rencontre entre Lisandro Alonso et Albert Serra au Centre Pompidou :
On conseille aussi la lecture de l’excellent reportage que le magazine SO FILM a consacré au tournage du film, dans son numéro #10.
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