C’est à Berlin que s’est conclu le marathon festivalier d’Ulrich Seidl qui est parvenu (avec son producteur Philippe Bober) à placer chaque partie de sa trilogie dans les trois grands festivals historiques internationaux : Cannes (Paradis : amour), Venise (Paradis : foi) et aujourd’hui Berlin (Paradis : espoir). Herzlichen Glückwunsch!
On sait qu’au départ cette trilogie avait été conçue comme un seul long film en trois parties mais que devant la quantité de matériel tourné Ulrich Seidl a préféré transformer les trois segments en trois longs métrages distincts. On retrouve dans Paradis : espoir (Paradies : Hoffnung) la fille de l’héroïne de Paradis : amour qui part dans une cure d’amaigrissement dans un camp d’été pour adolescents obèses tandis que sa mère est au Kenya dans un hôtel pour touristes européens. Les deux complexes se répondent, et ce qui été suggéré dans le premier film devient évident dans le troisième : l’hôtel de faux luxe comme le centre d’amaigrissement sont des structures concentrationnaires qui déshumanisent leurs pensionnaires et les traitent comme du bétail.
La structure symétrique des plans, les scènes répétitives d’exercices physiques ou de punition, toujours collectives, contribuent à enfermer les jeunes garçons et filles dans un système aussi disciplinaire que ridicule. Ils sont les premiers à trouver ces règles et ceux qui les font respecter assez dérisoires. L’espoir du titre pour ces adolescents n’est certainement pas de perdre quelques kilos grâce à des méthodes à l’efficacité douteuse. Cet espoir-là est peut-être celui de leurs parents, mais pas le leur.
L’espoir de ces jeunes, et en particulier celui de Melanie serait plutôt de s’amuser avec son corps et celui des autres. Encouragée par une copine plus expérimentée, elle trépigne d’impatience de rencontrer l’amour et/ou de s’envoyer en l’air.
C’était aussi le sujet du premier film où le tourisme sexuel n’était que le contexte d’une quête désespérée de tendresse. Finalement les trois parties auraient toutes pu s’appeler « Amour » plutôt que « Paradis. »
Melanie tombe amoureuse docteur de l’institut, auquel elle rend visite plus que de raison. Entre le séduisant homme mûr et la jeune fille boulotte s’instaure un jeu dangereux. Si cette chaste relation offre à Melanie l’occasion de s’échapper d’un univers débilitant, elle s’effectuera sur le mode de la déception et de la frustration : une étrange ballade en forêt, une douce étreinte et rien d’autre que la morale puisse réprouver, alors que les sens et l’imagination de Melanie commençaient à s’enflammer. Il y a finalement peu d’espoir dans Paradis : espoir et les personnages, jeunes et vieux, restent prisonniers de leur condition et d’une existence guère enviable. Mais il y a aussi une empathie d’Ulrich Seidl pour sa jeune héroïne, alors que la critique française a souvent accusé le cinéaste autrichien de cynisme et de misanthropie absolue. Moins provocateur que d’habitude, Seidl demeure d’un pessimisme radical, à l’instar de Michel Houellebecq ou de son compatriote Thomas Bernhard.
Le formalisme glacé de sa mise en scène, d’une implacable beauté, le sépare d’un autre grand cinéaste de la cruauté, au style diamétralement opposé, mais ils se rejoignent sur une vision souvent atroce et sans illusion de la société et des rapports entre les sexes, et aussi sur un humour déconseillé aux esprits sensibles : je veux parler de Dino Risi, et il ne serait pas inutile de revenir un jour sur les points communs entre les deux satiristes viennois et milanais.
Au sujet de Paradis : amour, sorti le 9 janvier en France, lire https://www.arte.tv/sites/olivierpere/2012/05/19/cannes-2012-day-4-paradies-liebe-dulrich-seidl-selection-officielle-en-competition-laurence-anyways-de-xavier-dolan-selection-officielle-un-certain-regard/
Nous n’avons pas encore vu Paradis : foi qui sortira en salles le 24 avril. Paradis : espoir sortira le 8 mai. On en reparlera.
Les trois films sont distribués par Happiness Distribution. Ce sont des coproductions WDR / ZDF / ARTE France Cinéma.
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