Olivier Père

Wrong de Quentin Dupieux

Wrong

Wrong

Après sa présentation en première européenne au Festival del film Locarno sur la Piazza Grande, Wrong sort aujourd’hui sur les écrans français, distribué par UFO.

Quentin Dupieux est un musicien connu sur la scène électro pop sous le pseudonyme de Mr Oizo depuis la fin des années 90. C’est désormais le cinéaste le plus iconoclaste apparu dans le paysage du cinéma français depuis Jean-Pierre Mocky.

Wrong est le troisième long métrage de Quentin Dupieux après Steak en 2007 (farce angoissante et absurde avec en vedettes deux comiques français adorés des jeunes grâce à leurs sketches à la télévision, Eric et Ramzy, qui dérouta le grand public avant de devenir un véritable film culte), puis Rubber en 2010, road movie surréaliste où le tueur en série est un pneu, tourné dans le désert californien). Film de transition, production française tournée en anglais à Los Angeles comme Rubber (Dupieux s’apprête à mettre en scène une nouvelle comédie en France, Réalité), Wrong possède les qualités des deux films précédents du réalisateur : humour décalé, glissement subtil entre rêve et réalité, personnages entre deux mondes. L’idée conductrice de tout le cinéma de Dupieux est celle du dérèglement : ici un employé de bureau ordinaire et solitaire est désespéré par la disparition de son chien. Il fera tout pour le retrouver, même en rêve, et croisera au cours de sa quête un gourou interprété avec brio par William Fichtner, comédien plus habitué aux gros blockbusters qu’aux pochades expérimentales. On retrouve aussi avec plaisir Eric Judor, cette fois-ci en solo, excellent dans le rôle d’un jardinier français (les meilleurs moments du film.)

Quentin Dupieux semble mettre en scène son film selon le principe du refus. Refus de la psychologie, de la continuité narrative, refus du jeu des acteurs de cinéma ou de théâtre, dont Dupieux déteste les tics. Nous sommes dans un anti naturalisme sauvage, rendu encore plus surprenant par le calme de la mise en scène et une musique planante électronique. Quentin Dupieux pourrait être comparé à un chimiste qui s’intéresse davantage aux expériences qu’à leurs résultats.

Extrêmement radical dans sa démarche de cinéaste, Quentin Dupieux semble vouloir faire exploser le coûteux jouet cinématographique et pratique un véritable « cinéma guérilla », seul maître à bord. Dupieux réussit à mettre en scène l’étrangeté sans avoir recours à des cadrages bizarres ou des mouvements de caméra saugrenus. C’est la beauté des plans, leur calme apparent ou des zooms avant très lents qui créent souvent le malaise. Dupieux a retenu la leçon des grands cinéastes burlesques. Il privilégie les longs plans séquences immobiles aptes à enregistrer les performances physiques et verbales des comédiens. À contre-courant du cinéma d’auteur français, mais aussi international, Quentin Dupieux prétend vouloir « continuer à faire des films libres et plus ou moins drôles avec des scénarios amateurs et naïfs, et décrire des mondes parallèles au nôtre, mais aussi débiles que le nôtre. »

A noter aujourd’hui la sortie d’un autre film découvert sur la Piazza Grande, en 2011 et en première mondiale, Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau dont nous avons déjà parlé à l’occasion de sa sortie suisse. http://olivierpere.wordpress.com/2012/02/10/monsieur-lazhar-de-philippe-falardeau/

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