Olivier Père

65ème édition du Festival del film Locarno : Pardo alla carriera à Johnnie To

Johnnie To

Johnnie To

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Le Festival del film Locarno remettra au producteur et réalisateur chinois Johnnie To un Pardo alla carriera pour l’ensemble de son œuvre cinématographique, lors de sa 65ème édition qui se déroulera du 1er au 11 août 2012.

Motorway (2012)

Motorway (2012)

A l’occasion de cet hommage, le Festival del film Locarno projettera en première internationale sur la Piazza Grande Motorway (Che sau, 2012) de Soi Cheang, dernière production en date de Johnnie To (sortie à Hong Kong le 21 juin.)

Né le 22 avril 1955 à Hong Kong, Johnnie To a depuis 1980 produit une soixantaine de films et en a réalisé une cinquantaine. Il travaille d’abord pour la télévision avant de mettre en scène plusieurs titres populaires du cinéma de Hong Kong dans les années 80. C’est en 1993 qu’il rencontre son premier grand succès international avec The Heroic Trio, film d’action interprété par Anita Hui, Michelle Yeoh et Maggie Cheung.

En 1996 Johnnie To fonde sa propre société de production Milkyway Image avec son associé le réalisateur et producteur Wai Ka-fai. Cette nouvelle indépendance va permettre à Johnnie To d’alterner les projets personnels et artistiques (ses polars stylisés qui vont lui assurer une notoriété mondiale) et des films beaucoup plus commerciaux destinés au marché de Hong Kong (comédies sentimentales ou films policiers interprétés par les plus grandes vedettes locales) qu’il réalise à un rythme très soutenu ou qu’il se contente de produire. Milkyway Image va rapidement devenir une petite usine à films qui donne un nouveau souffle au polar de Hong Kong qui connut un âge d’or dans les années 80 avec les titres emblématiques de John Woo ou Ringo Lam.

Dépassant l’escalade pyrotechnique, les plus intéressants films policiers réalisés à Hong Kong dans les années 90 sont torturés, intériorisés. Johnnie To devient le réalisateur ou le producteur de quelques-uns des plus importants polars et films d’action de Hong Kong depuis le départ de John Woo à Hollywood, parmi lesquels Expect the Unexpected, The Longest Nite, Lifeline, interprétés par son acteur fétiche Lau Ching-wan. Ces films affichent un souci de réalisme et de concrétion psychologique qui les distinguent des chorégraphies abstraites de Woo. The Longest Nite (Am faa, 1998) de Patrick Yau, produit par Johnnie To, est un polar dépressif d’une cruauté exceptionnelle. Cet affrontement nocturne (jusqu’à une forme d’engloutissement) entre un flic sadique et un tueur solitaire parvient malgré une dramaturgie éculée à surprendre constamment le spectateur.
Expect the Unexpected (Fai seung dat yin, réalisé la même année par le même réalisateur et la même équipe) associe à une violence sèche (l’esthétisme de l’action est dépassé) un désenchantement qui transforme cette romance policière aux intrigues multiples (la rivalité amoureuse de deux flics lors d’enquêtes croisées) en chef-d’œuvre du genre. Le dénouement, inattendu et absurde, laisse surgir l’aléatoire dans un récit presque trop calibré.

Running on Karma (2003)

Running on Karma (2003)

Devant l’exil hollywoodien de John Woo, les louvoiements hasardeux de Ringo Lam et Tsui Hark, perdus entre un imaginaire chinois et des capitaux américains dans les années 90 et 2000, avant le retour dans les studios de la Chine continentale, Johnnie To avec Milkyway Image assure à lui seul la pérennité d’un cinéma commercial hongkongais attractif et novateur, puisqu’il produit et réalise (ou coréalise avec Wai Ka-fai) chaque année films d’action, polars et comédies romantiques de bonne facture, excentricités (comme le délirant Running on Karma, 2003), titres de consommation courante et projets plus personnels.

The Mission (1999)

The Mission (1999)

Réalisé en 1999, The Mission (Cheung fo) est un titre à part dans la filmographie de Johnnie To, et dans le paysage du cinéma de Hong Kong. Cinq professionnels retirés des affaires sont engagés pour assurer la protection d’un parrain local, devenu la cible d’attentats commandités par un mystérieux rival. L’équipe, à première vue miteuse et peu digne de confiance va se révéler d’une efficacité exceptionnelle et sauver à plusieurs reprises la vie du vieux chef de triades. Une fois le traître démasqué, la mission semble accomplie. Mais en marge de l’affaire, un des équipiers a commis une erreur…
The Mission joue donc avec les signes de reconnaissance du polar, et du film de groupe. L’introduction offre la présentation successive des membres de la future équipe. Englués dans des problèmes professionnels, insatisfaits de leur existence ou totalement dépourvus de notes biographiques, ce sont des individus pittoresques, interprétés par de plus ou moins vieilles connaissances du spectateur cinéphile et cinophile, qui peut d’emblée leur attribuer un passé cinématographique ou s’amuser des légères modifications effectuées par To sur leur image préexistante : Anthony Wong, incongru en garçon coiffeur, est le psychopathe du cinéma commercial hongkongais. Il s’est fait remarquer dans le rôle du méchant de À toute épreuve (Hard Boiled, 1992) de John Woo mais restait avant tout abonné aux « catégories III » (séries B et Z qui proposent un cocktail de sexe et de violence) les plus provocantes avant de devenir l’un des acteurs fétiches de Milkyway Image (on le retrouve avec plaisir dans Motorway). Le reste de l’équipe est composé de transfuges des films de triades et des séries télévisées, membres pour la plupart de l’écurie Milkyway Image. Presque toujours filmés ensemble, ils trouvent l’occasion de dépasser les limites de leurs rôles habituels et confirment leur aisance dans la comédie, les joutes verbales et les scènes physiques. Les cinq font la paire.

S’il place le spectateur en terrain connu, The Mission se distingue du tout venant du cinéma d’action hongkongais, dont la grammaire visuelle a été pillée par le cinéma hollywoodien puis dénaturée par la production locale bas de gamme. The Mission se situe à l’opposé du cinéma frénétique et déstructuré de Tsui Hark. Johnnie To renonce aussi au ton des films noirs désenchantés, un genre qu’il a illustré mieux que quiconque. The Mission ne propose rien de moins qu’une nouvelle forme de stylisation, qui doit beaucoup au cinéma japonais en général, et à Takeshi Kitano en particulier, tout en dépassant son modèle. Le film pose un regard ironique sur l’univers des triades, avec des gangsters qui se comportent en caricatures d’eux-mêmes. Le début abonde en notations discrètes mais mordantes sur les attitudes et l’apparence vestimentaire des membres des triades, figés dans des postures iconiques qui renvoient aux clichés des films noirs. Évoluant dans le luxe tapageurs de villas immenses et surprotégées, un chef obsédé par la sape engueule un de ses sbires : « Regarde ta cravate. T’as l’air de quoi ? » Un peu plus tard, c’est à son tour d’être réprimandé par son frère aîné, excédé par cette profusion de signes extérieurs de richesse : « tu vas effrayer les voisins. » Les gangsters de The Mission ne sont plus dans « un vouloir être », mais dans un « vouloir paraître » qui finit par réduire à néant leur crédibilité ou même leur puissance d’intervention. Écartés des scènes de fusillades, les gangsters « officiels », ventre mou du film, préfèrent confier les tâches violentes à nos cinq gardes du corps. Mais le professionnalisme de ces derniers devra lui aussi connaître un travestissement d’usage. Ils laisseront choir leurs accoutrements de petites frappes ou de commerçant des bas quartiers pour revêtir leurs tenues de travail, costumes flashy et chemises de soie, aussi indispensables que leurs armes à leurs nouvelles fonctions. Puisque le scénario et les acteurs ont déjà beaucoup (trop) servi, la mission de Johnnie To sera de créer une nouvelle dynamique formelle, en habillant son film de neuf (la mise en scène détonne et étonne) et en transformant ses acteurs en portemanteaux Armani. The Mission est avant tout une histoire de look. Le film revendique avec ostentation sa dimension fétichiste, évidente lors de la scène préliminaire où l’un des gardes du corps choisit avec un soin maniaque son outil de travail parmi une collection impressionnante d’armes de poing. Le cinéaste fait à ce moment ouvertement référence au Bon, la brute et le truand, lorsque Eli Wallach assemblait le pistolet parfait à partir d’éléments empruntés à plusieurs pièces d’artillerie. La chaîne Kurosawa-Leone-Melville-Woo-Kitano n’est pas prête de se briser.

Le cinéma asiatique, toutes catégories confondues, s’est toujours fait remarquer par son traitement inhabituel de la durée. Dilaté, fractionné, arrêté ou accéléré, le temps est pour les cinéastes chinois et japonais une matière sans cesse à modeler, qu’elle soit élastique ou marmoréenne.

Point de ralentis, de montage hystérique ou d’arrêts sur image dans The Mission, œuvre calme, voire cool. Le film de Johnnie To est entièrement construit sur le principe de l’attente. Mais The Mission n’en devient pas pour autant un film réaliste, soucieux d’observer en temps réel les longues plages d’attente de la garde rapprochée entre deux coups de feu. To a l’idée géniale de diluer cette attente dans l’intégralité du métrage, et parvient à la rendre ludique plutôt qu’ennuyeuse, en transformant chaque temps mort sinon en morceau de bravoure, du moins en moment où il se passe quelque chose (de drôle ou d’inattendu), et en filmant au contraire les scènes d’action comme d’interminables plages d’immobilité (Leone, encore). Démonstration par l’exemple : en faction dans un couloir de bureau pendant que le parrain est en rendez-vous d’affaires, nos héros attendent, silencieux et statiques. Mais il suffit d’une boule de papier froissé pour que débute une partie improvisée de football, à l’insu des secrétaires et qui s’interrompra aussi soudainement qu’elle avait commencé dès l’irruption du parrain dans le champ. Cette scène hilarante, une des meilleures du film, n’est pas là pour souligner l’immaturité des tueurs, comme chez Kitano où les yakusas sont montré comme de grands enfants amateurs de jeux, mortels ou innocents. Un autre gag, les pétards dissimulés dans les cigarettes, rendra plus tard hommage à « Beat » Takeshi. La balle au pied est plutôt une solution trouvée par les membres du groupe pour rester opérationnels, c’est-à-dire liés dans l’action, l’air de rien. On va découvrir que cette scène, en apparence anodine, n’était pas récréative, mais préparatoire. Elle trouvera en effet un écho inattendu dans le grand moment chorégraphique du film, l’attentat dans le centre commercial désert, dans laquelle To invente le –« gunfight immobile ». Traquant plusieurs assassins, les membres de l’équipe vont chacun se poster derrière un pilier, et attendre que l’ennemi apparaisse, par un déplacement imprudent, dans leur champ de tir. Ainsi, l’attente ne se situe plus avant la grande scène d’action, elle contamine l’action elle-même. Les gardes du corps prennent la pose, mais cette pose n’est pas décorative, comme celle de leurs employeurs, elle est stratégique, et même expérimentale (deux gardes du corps embusqués manquent de s’entre-tuer). À partir de ce moment du film, il est d’ailleurs impropre de continuer à parler de pose. Cette pose est déjà une position. Dans son épilogue, le film va faire glisser cette notion de position physique vers celle de position morale. Faut-il ou non supprimer un élément fautif pour rester loyal à son employeur, ou faire fonctionner une dernière fois la parfaite cohésion humaine du groupe ?

Néo polar exemplaire, The Mission constitue la réponse idéale aux images agressives, saccadées et idiotes qui pullulent dans le cinéma d’action. Il ne s’agit pas seulement d’un éloge creux du professionnalisme ou de l’amitié virile. On y cherche et on y trouve l’harmonie dans le travail, l’élégance dans la trivialité, la morale dans la violence (il s’agit quand même de tueries). Le cinéaste, porté le souci devenu rare de raconter une histoire uniquement grâce à la mise en scène, joue et gagne sur tous les tableaux.

PTU (2003)

PTU (2003)

Dans la lignée de The Mission, PTU (2003) appartient sans conteste à la veine indépendante et libre, voire expérimentale et avant-gardiste, de Johnnie To, cinéaste qui oscille en permanence entre le statut d’auteur et de faiseur. PTU apparaît comme l’exacerbation de son ego d’artiste, et davantage que The Mission, donne à voir une leçon de cinéma et un véritable objet de recherche et d’exploration cinématographique, à la fois ludique et frisant l’abstraction. Il s’agit pourtant d’un polar urbain, une histoire de flics et de gangsters mêlés à une affaire de vol d’armes et de corruption, dans la lignée de ses précédents films et des films de genre fabriqués à la chaîne dans l’ex colonie britannique. Mais son traitement formel, son scénario et l’extrême stylisation de sa mise en scène l’éloignent du tout-venant de la production hongkongaise. Le titre énigmatique, PTU, désigne une brigade de la « Police Tactical Unit », en lutte contre la criminalité dans le quartier du port de la ville de Hong Kong. L’action est concentrée sur une nuit, et suit les trajets croisés de plusieurs personnages : le sergent Lo qui s’est fait voler son armes par une bande de voyous, et tente par tous les moyens, même illégaux, de la retrouver ; l’officier zélé Mike ; l’inspecteur Cheung de la police criminelle qui enquête sur la mort d’un chef de gang… PTU pourrait se résumer à une ronde de nuit, parfois grotesque, parfois anecdotique, qui suit plusieurs trajectoires qui semblent aléatoires et débouchent pourtant sur un « climax » violent et chorégraphique. La beauté quasi hypnotique du film de To réside dans la parfaite captation de la poésie nocturne de la ville, dans ce mélange de trivialité et de sophistication qui caractérise les meilleurs films d’ambiance urbaine. Il n’est pas interdit de comparer, voire de préférer, le film de To aux premiers essais de Wong Kar Wai, eux aussi des déambulations nocturnes dédiées aux destins croisés de personnages ambivalents et opaques (As Tears Goes By, l’excellent premier film de Wong Kar Wai). PTU se pare des oripeaux séduisants du film de genre, mais comme The Mission, excède les règles du polar pour offrir aux spectateurs une brillante leçon de cinéma mâtinée d’une promenade poétique dans les rues de Hong Kong.

Après ces deux films programmatiques, qui affirment le style de Johnnie To, le réalisateur passe à la vitesse supérieure et devient un habitué des grands festivals internationaux.

Vengeance (2009)

Vengeance (2009)

« À Hong Kong, l’avenir appartient à Johnnie To » écrivions-nous au moment de la sortie française de The Mission en 2000. Seul maître à bord de la ville depuis la rétrocession, Johnnie To est le seul cinéaste chinois à n’avoir jamais cédé aux sirènes internationales. Récemment, il a bien signé un film coproduit par la France, le magnifique Vengeance (Fuk sau, 2009) mais en conservant ses lieux habituels de tournages, ses collaborateurs artistiques et techniques, avec Johnny Halliday en vedette invitée (dans un rôle prévu à l’origine pour Alain Delon – To grand admirateur de Jean-Pierre Melville a longtemps eu le projet d’un remake chinois du Cercle rouge.)

Election (2005)

Election (2005)

Election (2005 et 2006) est l’ambitieux diptyque de Johnnie To consacré aux Triades. Cette grande fresque politique et économique aborde l’histoire contemporaine de l’ex colonie britannique sous l’angle du banditisme. To épure sa mise en scène, abandonnant l’ironie sous-jacente d’œuvres moins profondes telles que The Mission. Exilé (Exiled, 2006) autre grand film, exprime la mythologie du film noir (vengeance, trahison, amitié virile) dans un déferlement de trouvailles cinématographiques. To pratique un cinéma ludique, où la noirceur du ton est contrebalancée par un plaisir évident de filmer, avec une stylisation élégante et inventive de la moindre action, du moindre sentiment.

Exilé (2006)

Exilé (2006)

Sparrow (2008)

Sparrow (2008)

Life Without Principles (2011)

Life Without Principles (2011)

Sparrow (Man jeuk, 2008) comédie sophistiquée sur une bande de pickpockets confrontée à une séduisante arnaqueuse, prouve que To n’est pas prisonnier des chorégraphies violentes et de thrillers « hard boiled » et qu’il peut décliner son amour des ambiances urbaines et des prouesses physiques sur un ton plus romantique.
Life Without Principles (Dyut meng gam, 2011), son dernier film en date, est à nouveau une fresque mais qui délaisse la chronique criminelle pour s’intéresser à une galerie de personnages dont la vie est bouleversée par la crise boursière. Le résultat est magistral, un grand film moral sur l’argent.
Ces dernières années, Johnnie To est également le producteur avisé de projets réalisés par ses collaborateurs ou des réalisateurs intégrés à l’écurie Milkyway Image. Filatures (Eye in the Sky, 2007) est le premier long métrage de Yau Nai Hoi, le scénariste habituel de To. Passage réussi à la mise en scène, ce polar sur une équipe de surveillance offre un nouveau voyage dans les méandres de la cité.

Accident (2009)

Accident (2009)

Accident (Yi ngoi, 2009) de Soi Cheang est un film captivant, sans doute le polar hongkongais le plus original depuis Infernal Affairs, capable de rivaliser avec les meilleurs films réalisés par Johnnie To (qui en assure la production) ces dernières années.

Un tueur à gages surnommé « le Cerveau », à la tête d’une équipe de professionnels, exécute des contrats en maquillant des crimes en accidents, grâce à de fantastiques enchaînements de causes à effets. Cette idée digne des grands thrillers paranoïaques américains des années 70 donne lieu à une première partie excitante où l’on assiste à la préparation minutieuse d’une opération. Mais au cours d’une mission, un des hommes du Cerveau perd la vie dans un accident de la circulation. Dès lors, le Cerveau devient persuadé que cette mort accidentelle est en fait un meurtre commis selon les mêmes principes que les siens, et qu’il est la cible d’un complot, tandis que le souvenir de la disparition tragique de sa femme resurgit, lui aussi hanté par le soupçon. Accident dresse le portrait d’un psychopathe qui n’hésite pas à éliminer ses cibles dans la crainte d’être supprimé le premier. Mais le Cerveau est surtout un homme solitaire et obsessionnel, décidé à plier la réalité selon ses désirs et ses fantasmes morbides, dans un délire d’interprétation vertigineux qui contamine tout le film. Accident, subtile fiction du dérèglement, est un grand film sur la paranoïa, et aussi sur la mise en scène. Le cinéaste se livre à un éloge du perfectionnisme et du contrôle absolu du réel et des apparences, qui pourrait passer pour une profession de foi. On n’a aucune peine à établir le parallèle entre le tueur professionnel qui règle les morts violentes comme des ballets, utilisant toutes les ressources de la ville comme des instruments mortels, et les grands cinéastes d’action de Hong Kong comme John Woo, Tsui Hark, Johnnie To ou Ringo Lam, réputés pour leur approche chorégraphique de la violence, leur fétichisme et leur goût de la poésie urbaine.

Accident est donc un film sur le cinéma, comme le furent aux Etats-Unis Blow Out de Brian De Palma et Conversation secrète de Francis Ford Coppola. Ces deux classiques du cinéma américain moderne semblent avoir influencé le cinéaste autant que les films de ses compatriotes précédemment cités.

Accident est le neuvième long métrage de Soi Cheang, ancien assistant de Johnnie To et Ringo Lam. Ce spécialiste du polar ou du film d’horreur de catégorie III (les films interdits aux moins de dix-huit ans en Chine pour excès de sexe ou de violence) témoigne avec Accident d’une ambition nouvelle, signant son film le plus psychologique et le plus stylisé. C’est également la première fois que le jeune routier de la série B est produit par son ancien mentor Johnnie To, le dernier grand cinéaste de l’ex colonie britannique encore capable de tourner plusieurs films par an et de puiser dans la société chinoise une foule de fictions politiques et d’aventures criminelles. Accident se montre digne de son producteur en glorifiant le paysage chaotique de Hong Kong, transformé en véritable terrain de jeu pour adultes sadiques. Tandis que les derniers films de To s’octroient une certaine liberté par rapport au récit, adoptant un rythme déambulatoire pour mieux capter la poésie des rues de Macao ou de Hong Kong (Vengeance, Sparrow), Accident bombarde le spectateur d’informations visuelles et d’indices scénaristiques. Il parsème aussi la quête de son antihéros de scènes cruelles aussi graphiques que choquantes, reliquats de l’expérience de Soi Cheang dans le domaine du cinéma d’exploitation horrifique. Une excellente surprise.

Le nouveau film de Soi Cheang, Motorway, dévoilera ses scènes d’action brillamment réalisées et ses poursuites automobiles au cinétisme très spectaculaire sur l’écran géant de la Piazza Grande lors du prochain Festival del film Locarno cet été.

Tous les films produits ou réalisés par Johnnie To sont des déclarations d’amour à sa ville, des poèmes urbains qui ne se lassent jamais d’exalter les ambiances nocturnes, la beauté artificielle et le grouillement vital de Hong Kong.

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