Olivier Père

Romanzo criminale de Michele Placido

Romanzo criminale

Romanzo criminale

La rétrospective « films noirs à l’italienne » qui démarre à la Cinémathèque française nous invite à évoquer un des polars marquants du cinéma italien contemporain.

Romanzo criminale (2005) la saga de ces petits voyous romains devenus les maîtres de la ville grâce au contrôle du trafic de drogue et de diverses activités illicites, est le huitième long métrage de Michele Placido, acteur populaire du cinéma italien des années 70 passé à la mise en scène en 1990. Avec Romano criminale, Michele Placido adapte un « best seller » de Giancarlo De Cataldo, un ancien juge qui a relaté de manière romanesque sa propre expérience lors de procès contre les vrais membres du gang Magliana. Romanzo criminale s’inspire en effet d’une véritable bande de criminels qui ensanglantèrent Rome dans les années 70 et 80. Cette période violente de l’histoire contemporaine de l’Italie, marquée par la corruption, le terrorisme des Brigades rouges, de nombreux enlèvements et attentats, est reconstituée avec soin dans le film. Des images d’archives interviennent au cours du film au sujet de l’enlèvement de l’homme politique Aldo Moro, séquestré et assassiné par les brigades rouges en mars 1978. Cette affaire aux nombreuses et obscures ramifications ébranla moralement l’Italie. Les Brigades rouges auraient été instrumentalisées par les services secrets et Moro sacrifié par son propre parti, la Démocratie Chrétienne, car il était sur le point de signer une alliance avec le Parti Communiste, dans le cadre du compromis historique entre les deux partis les plus puissants d’Italie. On évoque aussi dans Romanzo criminale les liens souterrains entre les milieux politiques et la pègre, et comment cette dernière participa à l’attentat qui détruisit entièrement la gare de Bologne du 2 août 1980, un attentat ourdi par l’extrême droite pour déstabiliser le pays, dans le cadre d’une stratégie de tension à grande échelle. Cet attentat qui fit 85 morts et plus de 200 blessés est l’attaque terroriste la plus meurtrière des années de plomb. Le gouvernement suspecta d’abord les brigades rouges d’extrême gauche avant que l’enquête qui dura près de quinze ne révèle l’implication des milieux néonazis et la complicité de certains membres des services secrets militaires italiens et de la loge maçonnique P2.

Le cinéma italien a souvent utilisé la fiction, et généralement le film de style policier, pour relater ou analyser les affaires politiques de son histoire. Dans les années 70, Francesco Rosi et Elio Petri ont brillamment illustré cette tendance du film enquête ou du polar politique, avec des films comme Mains basses sur la ville, Cadavres exquis ou Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon. Romanzo criminale entend réactiver ce courant, en s’inspirant aussi des sagas maffieuses de Martin Scorsese, auxquelles Placido emprunte certains effets de style. En 2006, Arrivederci amore, ciao de Michele Soavi a lui aussi traité de la période des années de plomb sous la forme de film de genre à l’esthétisme très « pulp ». En 2008, les deux films italiens les plus importants de l’année, Gomorra de Matteo Garrone et Il divo de Paolo Sorrentino revenaient à leur tour sur les maux majeurs de l’Italie, la Camorra (la mafia napolitaine) avec le premier, la corruption et les liens entre mafia et politique dans le second. Il divo est en effet inspiré par la vie du Premier ministre Andreotti, dont la carrière débuta en 1946 et qui fut impliqué dans de nombreux scandales.

Le succès du film Romanzo criminale a également engendré en 2008 une excellente série télévisée de douze épisodes, avec une distribution différente, réalisée par Stefano Sollima, le fils du cinéaste Sergio Sollima, spécialiste du western qui en 1973 a réalisé l’un des meilleurs polars du cinéma italien, La Poursuite implacable (Revolver) avec Fabio Testi et Oliver Reed.

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