Mondwest (Westworld, 1973), petit classique de la science-fiction, sera disponible pour la première fois en blu-ray le 4 avril, proposé par Aventi distribution dans une nouvelle édition remasterisée.
D’abord médecin, puis écrivain, scénariste, cinéaste, producteur pour le cinéma et la télévision, Michael Crichton (1942-2008) aura été un grand entrepreneur de spectacle moderne, attaché à une certaine tradition du divertissement américain.
Crichton s’oriente d’abord vers la littérature, mais ce sont les sciences qui le passionnent et il devient médecin. Il écrit dans des magazines et des romans sous des pseudonymes divers. Le Mystère Andromède, porté à l’écran par Robert Wise, est un classique de la science-fiction « réaliste », grâce au point de vue clinique et sérieux de Wise, et propulse le jeune Michael Crichton au rang d’écrivain et de scénariste à succès. Un de ses premiers romans situés dans un hôpital est adapté par Blake Edwards dans un film à redécouvrir, Opération clandestine (1972). Crichton s’essaie la même année à la mise en scène avec un téléfilm de politique-fiction, Pursuit avec Ben Gazzara. Cette première tentative, inédite en France, sera suivie par son film le plus célèbre, Mondwest, qui imagine un parc d’attractions futuriste pour adultes. Les androïdes sensés apportés plaisir et frissons aux visiteurs se transforment en machines tueuses. Cette histoire profondément originale sur le thème du dérèglement et des dérives d’une société de divertissements d’un donne naissance à un film matriciel de la science-fiction contemporaine. La banalité télévisuelle n’en édulcore pas l’impact ou l’efficacité. Au contraire, le caractère aseptisé des images sert le propos satirique du film qui ironise sur une société spectaculaire et hyper consumériste ou même la violence et le défoulement libidinal sont envisagés comme des produits de consommation et des sources de profit. Le personnage de robot cow boy interprété par Yul Brynner servira de modèle à Arnold Schwarzenegger pour son rôle de cyborg assassin et impassible dans Terminator de James Cameron. Le succès du film engendrera une suite, Les Rescapés du futur de Richard T. Heffron. Morts suspectes (1978), thriller médical adapté d’un roman de Robin Cook, s’avère une autre véritable réussite. Il s’agit d’un un thriller paranoïaque qui préfère se détourner des tendances du cinéma américain des années 70 pour perpétuer un modèle et un style hollywoodiens classiques. Aucune ramification politique (les « méchants » du film agissent par pur appât du gain), pas de virtuosité ni de trivialité outrancières comme chez Pakula, Pollack, De Palma ou Friedkin. C’est bien la sobriété d’un Robert Wise qui semble avoir inspiré Crichton derrière la caméra. Crichton validera cette hypothèse en déclarant dans un entretien qu’il se considérait en tant que metteur en scène comme l’anti Scorsese, soit un cinéaste qui refuse les effets de signature et s’efface derrière les mécanismes du scénario et la force du récit. Modestie de l’image vis-à-vis de l’écrit, mais aussi suprématie du concept dans les films de Crichton, qui n’est pas un simple illustrateur, mais accorde aux idées surprenantes qui parsèment les films qu’il réalise, écrit ou produit, une place prépondérante.
La technologie, qui fascine Crichton, est le terreau inépuisable de sujets et de spéculations scientifiques. Trafic d’organes, robots, images subliminales, clonage, climatologie, théories sur l’intelligence animale ou extraterrestre sont autant de thèmes qui offrent à Crichton la matière de romans ou de films. Après une incursion réussie dans le film à costumes (La Grande Attaque du train d’or), Crichton renoue avec le techno thriller. Looker s’intéresse à la manipulation des images publicitaires. Inspiré et prophétique, le film est cependant un échec commercial, comme le suivant Runaway, l’évadé du futur, nouveau récit de robots domestiques déréglés. Crichton abandonne progressivement sa carrière de cinéaste, tandis que ses activités de romancier et de producteur lui assurent célébrité et fortune. Hollywood se précipite sur ses romans policiers ou de science-fiction. Jurassic Park, scénario astucieux de clonage de dinosaures dans un parc d’attractions (clin d’œil à Mondwest), offre à Steven Spielberg un des plus grands triomphes de sa carrière et propose un saut technologique en matière d’effets spéciaux numériques. Crichton est aussi à la même époque le producteur comblé de la série télévisée « Urgences » qui rencontre un succès mondial. Crichton associe ensuite son nom à des projets moins ambitieux ou ratés, souffrant de mises en scène paresseuses et d’un manque flagrant de conviction. La collaboration entre Crichton et le metteur en scène John McTiernan se solde par un échec lorsque les deux hommes décident de porter à l’écran Eaters of the Dead, lointainement inspiré de la légende de Beowulf qui deviendra Le Treizième Guerrier au terme d’un long conflit entre l’auteur producteur et le spécialiste du cinéma d’action. Effrayé par des projections test catastrophiques, Crichton ira jusqu’à tourner des scènes additionnelles et McTiernan reniera le montage final. Malgré ces incidents de production, Le Treizième Guerrier (lui aussi disponible en blu-ray chez Metropolitan filmexport) est un remarquable film d’aventures qui doit beaucoup au talent de McTiernan. Il montre bien le gouffre entre les aspirations épiques du metteur en scène de Predator et le pragmatisme de Crichton devenu dans les années 90 un homme d’affaires avisé, fournisseur régulier de « blockbusters » et de livres aux ventes faramineuses.
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