Remake en Technicolor et en 3D de Mystery of The Wax Museum (1933) de Michael Curtiz, L’Homme au masque de cire (House of Wax, 1953) est devenu un classique du fantastique. Le film lança surtout la seconde carrière de Vincent Price, qui d’acteur de second plan sérieux chez Preminger ou Mankiewicz devint une star de l’horreur grâce aux films de Roger Corman et aux productions AIP. Il interprète ici un sculpteur de génie, qui excelle dans la création de mannequins de cire à la ressemblance humaine parfaite. À la veille de l’aboutissement d’un grand projet de musée dédié à son art, un associé cupide provoque l’incendie de son atelier, détruisant ses œuvres et le laissant pour mort. Mais le sculpteur, ou plutôt son fantôme, revient d’entre les flammes. Horriblement défiguré, il accomplit sa vengeance, et ouvre enfin un musée de cire, mais dont les orientations esthétiques ont été bouleversée par l’accident du malheureux. Au lieu de célébrer la beauté, l’artiste fou va désormais se consacrer à des représentations macabres, en reconstituant des crimes historiques célèbres ou des affaires d’actualités, poussant le vice jusqu’à faire figurer dan son musée les meurtres qu’il a lui-même commis, en utilisant les cadavres de ses victimes pour créer les mannequins.
Nous sommes dans les années 50 à Hollywood, lors du premier âge d’or du « cinéma en relief » avant la nouvelle vague actuelle (depuis La Légende de Beowulf de Robert Zemeckis et Avatar de James Cameron) et une brève et médiocre mode dans les années 80. Rarement dans l’histoire du relief – et avant les efforts les plus récents convaincants de Cameron et Scorsese dans Hugo – le procédé a-t-il été employé de façon aussi pertinente (dans la plupart des films en 3D, le relief est uniquement utilisé à des fins spectaculaires – jet de flèches dans les westerns, apparitions ectoplasmiques dans les films d’épouvante). Le musé de cire et ses mannequins hétérogènes, où les vrais cadavres se cachent parmi les reproductions humaines, Vincent Price lui-même, dissimulant sous un masque de cire ses horribles brûlures, déclinent un univers en trompe-l’œil où le spectateur est sans cesse berné. Pourtant, malgré la splendeur du relief – notamment dans les scènes de poursuite nocturnes dans les ruelles brumeuses, ou l’amplification de la profondeur de champ accentue l’angoisse du spectateur – c’est une légitimation un peu superficielle et somme toute peu convaincante de l’emploi de la 3D que de renforcer une atmosphère fantastique. Il suffit pour cela d’évoquer tous les cinéastes qui sont parvenus à créer un univers factice et déstabilisant (du Cabinet du docteur Caligari aux films de Mario Bava) sans avoir recours à la 3D. Par contre, les auteurs ont compris que la 3D,
ontologiquement, renvoyait le cinéma non pas à un avenir technologique (l’échec du procédé allait leur donner raison) mais à ses origines foraines. De Toth expliqua dans ses mémoires que son désir de réaliser un film en 3D fut appuyé par Brynie Foy, un responsable de la Warner, contre l’avis de Jack Warner lui-même. Ce n’est que grâce à la persévérance des deux hommes que Jack Warner céda enfin, avec raison : le film fut tourné à peu de frais et dans un temps record, et remporta à sa sortie un succès exceptionnel. Car le dénommé Brynie Foy était un ancien artiste de music-hall, ce qui explique sans doute à la fois son obsession du relief et la multiplication dans le films d’intrusions de numéros de cabaret ou de saltimbanque, occasions d’effets de relief saisissants (bateleur haranguant la foule avec un yoyo, spectacle de French cancan dans un taverne). A ce titre House of Wax sera pris constamment comme modèle dans la suite des incursions cinématographiques du relief. Dans The Mad Magician, John Brahm réutilisera Vincent Price plongé cette fois-ci dans le monde de la magie; la scène du french cancan inaugure quant à elle les potentialités érotiques de la 3D exploitées dans les porno soft des années 60 et 70 tandis que le célèbre du plan final (la tête de Charles Bronson brandie à la face du spectateur) sera explicitement cité vingt ans plus tard dans l’iconoclaste Chair pour Frankensteinde Paul Morrissey, qui renvoyait le relief à ce qu’il avait toujours était (avant de redevenir un gadget technologique et un atout commercial dans les années 2010) : du Grand-Guignol.
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