Les éditions Capricci la traduction française (enrichie d’un chapitre autour de I Wish I Knew, 2010) de Pensées de Jia, publié en Chine en 2009, qui regroupait réflexions, entretiens, notes de travail, textes et conférences de Jia Zhangke. Les écrits du cinéaste chinois se révèlent passionnants et d’une grande intelligence, pensée en marche de Jia Zhangke qui analyse son propre parcours, la situation du cinéma chinois, sa place dans le monde des images et développe une véritable philosophie de la mise en scène.
Jia Zhangke, né en 1970 à Fenyang, dans la province du Shanxi, est un des cinéastes majeurs apparus à la fin des années 90, avec à peine dix films, mais autant de chefs-d’œuvre. Attentif aux métamorphoses de la Chine moderne, Jia Zhangke s’impose comme l’archiviste de l’inconscient et de l’histoire de son pays, à travers des récits qui mêlent les souvenirs personnels, le romanesque et le travail documentaire. Jia Zhangke étudie d’abord la peinture et publie un roman en 1991. Après un moyen métrage expérimental, son premier long-métrage, Xiao Wu artisan pickpocket (1997), réalisé avec peu de moyens et hors du circuit traditionnel, l’impose d’emblée comme le chroniqueur sensible de la jeunesse chinoise, et l’héritier direct de Roberto Rossellini. Son deuxième, l’éblouissant Platform, observe sur une durée de dix ans le désarroi d’un groupe de garçons et de filles, dont la vie est rythmée par les chansons taïwanaises interdites et les spectacles musicaux. Rarement film autobiographique aura atteint une dimension aussi universelle. Plaisirs inconnus, nouvelle chronique provinciale, confirme la sensualité et l’intelligence du cinéma de Jia Zhangke, poète inspiré du spleen amoureux. Still Life, Lion d’or à Venise, apporte la consécration à Jia Zhangke. Cette fresque intimiste, voyage dans la vallée des Trois Gorges, en amont du plus grand barrage du monde, enregistre à la fois les profonds bouleversements humains et géographiques de la Chine contemporaine, et la quête amoureuse d’un couple. The World, son premier film réalisé et diffusé avec l’accord de l’Etat chinois, puis les essais cinématographiques 24 Cities et I Wish I Knew, complètent une œuvre géniale et en perpétuelle métamorphose.
Jia Zhangke, l’un des plus grands cinéastes vivants, a obtenu (avec Alain Tanner) le Léopard d’honneur Swisscom lors de la 63ème édition du Festival del film Locarno en 2010, pour sa géniale contribution à l’art cinématographique. À peine quarante ans, à peine une dizaine de films, mais autant de chefs-d’œuvre et un regard d’une beauté et d’une intelligence rares sur la Chine, son histoire récente et ses transformations. Jia Zhangke est sans doute l’héritier direct de Roberto Rossellini et de Jean-Luc Godard dans son désir de marier fiction et documentaire, souvenirs personnels et essais sociologiques. C’est un inventeur de formes, un poète et un humaniste. Il est si Chinois, comme Ozu était si Japonais et Bresson si français, que ses films touchent à l’universalité. Platform, Still Life ou The World nous bouleversent parce qu’ils ouvrent une fenêtre sur le monde, le magnifient et nous aident à mieux le comprendre.
A Locarno, Jia Zhangke nous avait parlé de son prochain projet, un film d’arts martiaux produit par Johnnie To, encore au stade de l’écriture. Information confirmée par Johnnie To rencontré lors du Festival de Toronto en septembre 2011. Cela prendra sans doute du temps. On en rêve déjà…
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