Eloge du film mineur. Il y a de quoi faire avec Altman. On a le droit d’admirer M*A*S*H*, Le Privé, Nashville, The Player ou Short Cuts, mais des films moins connus comme California Split, Quintet, Un couple parfait, Docteur T et les femmes sont hautement recommandables. La rétrospective à la Cinémathèque française devrait permettre de les revoir ou de les découvrir, et en particulier de se pencher sur la fin de carrière d’Altman, (l’après Short Cuts), largement sous-estimée. Elle recèle de nombreuses pépites, à défaut de chefs-d’œuvre (sauf peut-être son magnifique et testamentaire The Last Show).
Lorsqu’il tourne Cookie’s Fortune en 1999, Robert Altman n’a plus grand-chose à prouver. Il a déjà signé plus de 80 films pour le cinéma et la télévision depuis les années 50 ; il a réussi, avec The Player et Short Cuts, un des plus spectaculaires come-backs du cinéma américain.
Il accède avec Cookie’s Fortune à une forme de sérénité qui le rend encore plus libre et plus sûr de lui par rapport au scénario et au tournage et lui permet de se soucier davantage de l’ensemble que du détail, de privilégier la chorégraphie du film plutôt que son sujet propre.
Il est déjà facile de distinguer une influence renoirienne (un des cinéastes préférés d’Altman) dans Cookie’s Fortune, évidemment mêlée aux propres préoccupations, thèmes et méthodes de travail du cinéaste américain. Il y a dans Cookie’s Fortune une mosaïque de personnages qui forment une petite communauté humaine, avec ses histoires d’amitié, d’amour, de jalousie, des mélanges de caractères et de personnalités qui vont de la bêtise à l’intelligence, de la méchanceté à la bonté, de l’innocence à la culpabilité. La différence entre Cookie’s Fortune et les autres films choraux d’Altman réside dans l’existence d’une intrigue policière certes minimaliste, mais qui structure davantage le long métrage qui ne se limite pas à une étude de caractère ou de comportement. On a souvent reproché à Altman d’adopter une vision surplombante du récit, en jugeant de hauts des personnages englués dans leur médiocrité ou leur prétention. Ici la misanthropie légendaire (et contestable, si l’on revoit ses films) d’Atman s’estompe au profit d’une véritable bienveillance. Altman est né dans le Missouri et il a une profonde affection pour cette petite communauté sudiste, même s’il brocarde au passage les aspects ridicules de la petite bourgeoisie, bigote, hypocrite et rigide des bourgades endormies du Sud des Etats-Unis, où le temps semble s’être arrêté. Qu’ils soient flics, blancs, noirs, jeunes ou vieux, malins ou demeurés, presque tous les personnages de Cookie’s Fortune sont sympathiques à l’exception de Camille, interprétée de manière grandiose par Glenn Close et qui cumule tous les défauts et les tares de la vieille fille de province. Autour d’elle, Altman réunit comme à son habitude plusieurs générations d’excellents acteurs, qu’il a déjà dirigé comme Julianne Moore ou qu’il utilise pour la première fois comme Liv Tyler.
Cookie’s Fortune est projeté le vendredi 3 février à 19h et le samedi 25 février à 21h30 dans le cadre de la rétrospective Robert Altman à la Cinémathèque française.
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