Le souvenir de Gueule d’amour nous invite à évoquer un autre grand film de Gabin, La Bandera (1935). Auteur d’un meurtre à Paris, Pierre Gilieth fuit en Espagne puis s’engage dans la Légion espagnole afin d’échapper à la justice de son pays. Dans la troupe, il est persécuté par un autre légionnaire qui est en fait un flic qui cherche à percer son secret. Au Maroc, Pierre tombe amoureux d’une danseuse de bordel avant d’être piégé avec ses camarades dans une embuscade sur un avant-poste du riff. C’est peut-être le plus beau film de Julien Duvivier, qui sublime ici la mythologie de la Légion au service de sa vision très noire de l’humanité et du Destin. Le pittoresque inhérent au sujet est parfaitement assimilé, ce qui permet à La Bandera d’avoir mieux vieilli que Pépé le Moko. L’interprétation est magnifique, de Gabin à tous les seconds rôles (Gaston Modot, Pierre Renoir…) Sans oublier Le Vigan absolument génial. La mise en scène de Duvivier soutient la comparaison avec les grands films d’aventures hollywoodiens. L’épisode final de La Bandera, d’une émotion insoupçonnable, se révèle supérieur à toute La Patrouille perdue de John Ford ou même à Cœurs brûlés de Sternberg. On peut considérer Jean Renoir comme le plus grand cinéaste français et admirer certains films de Julien Duvivier, l’anti Renoir par excellence. Renoir était déjà, avant-guerre, un moderne. Duvivier est un classique, conduit par son perfectionnisme et sa misanthropie radicale à une forme de ressassement précoce, d’où une fin de carrière très décevante. Mais l’espace d’une poignée de chefs-d’œuvre, tous réalisés dans les années 30, le cinéaste avait atteint l’expression géniale de son art.
La Bandera de Julien Duvivier
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