Olivier Père

Drive de Nicolas Winding Refn

A Los Angeles, un homme silencieux et solitaire mène une double vie parfaitement réglée : cascadeur le jour, il est chauffeur pour des casses la nuit. Lorsqu’un hold-up tourne mal, il se retrouve avec la mafia à ses trousses et doit trouver des solutions rapides pour sauver sa peau. Epure de film noir, Drive fut la surprise de la sélection officielle du Festival de Cannes (récompensée par le prix de la mise en scène). Le film fut présenté ensuite sur la Piazza Grande du Festival del film Locarno, et ce fut une nuit inoubliable pour les milliers de spectateurs happés par un film au pouvoir de fascination décuplé par les proportions majestueuses de la projection. Il sort aujourd’hui en France.
On assiste à une osmose parfaite entre un cinéaste et un acteur, une idée de cinéma et une idée de jeu. Le couple Ryan Gosling / NWR fonctionne à plein régime comme celui formé par Alain Delon et Jean-Pierre Melville, période Samouraï. Ryan Gosling incarne une figure davantage qu’un personnage, une silhouette mutique et impénétrable, bombe à retardement qui peut exploser à tout moment, où laisser à l’improviste parler des pulsions contradictoires (voir l’incroyable scène – la plus romantique de tout le cinéma contemporain, me souffle une admiratrice du film –  où il embrasse sa voisine quelques secondes avant de massacrer à coup de poing et de pied le tueur situé dans le même ascenseur que le couple.) Nicolas Winding Refn poursuit son exploration d’univers mentaux, associant violence physique, projections fantasmatiques et fétichisme machiste (le déjà mythique blouson du héros, orné d’un scorpion doré, référence à Scorpio Rising de Kenneth Anger et sans doute aussi au personnage de Snake Plissken dans New York 1997 de John Carpenter.) Ce cinéaste danois remarqué pour sa trilogie mafieuse Pusher, Bronson (tourné en Angleterre) et Vallalah Rising, relecture du film de viking, donne le meilleur de lui-même et franchit un cap important pour sa carrière avec cette première incursion sur le territoire américain.
Drive
est un formidable moment de cinéma, entre références au polar moderne (Driver de Walter Hill, Thief de Michael Mann, To Live and Die in L.A. de William Friedkin), influence zen du cinéma japonais zébré de geysers de sang, et sidération plastique qui pourrait rapprocher Drive de l’hyperréalisme pictural. C’est le premier film hollywoodien du cinéaste danois Nicolas Winding Refn qui a bénéficié d’une liberté artistique (gagnée au prix de nombreux et incessants combats on s’en doute) et de moyens techniques exceptionnels. Le film exhibe une photographie et une mise en scène à couper le souffle. Drive devient alors très beau poème urbain qui sublime la Cité des Anges. Déjà le meilleur film de l’année – et la meilleure bande originale -, capable de créer une sorte d’addiction chez le spectateur (préparez-vous à le voir plusieurs fois, si vous aimez vraiment cela), au coude à coude avec Melancholia de Lars Von Trier et The Tree of Life de Terrence Malick.
A noter que Nicolas Winding Refn, qui signe ici les plus dynamiques séquences automobiles depuis longtemps, ne possède pas son permis de conduire.

Ryan Gosling en Drive de Nicolas Winding Refn (2011)

Ryan Gosling dans Drive (2011)

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