Olivier Père

Locarno 2011 Day 10 : Pardo alla carriera à Claudia Cardinale

Parmi les plus belles femmes jamais apparues sur un écran de cinéma, il y a Claudia Cardinale. Elue à dix-sept ans « la plus belle italienne de Tunis », Claudia Cardinale ne tarde pas à fasciner les producteurs et les meilleurs cinéastes italiens. Sa beauté méditerranéenne (cheveux de jais, regard de braise, peau matte) la destine aux rôles de filles siciliennes, secrètes, ombrageuses et désirables. Sa carrière commence devant la caméra de Monicelli, Germi, Zampa, Bolognini… avec déjà des chefs-d’œuvre comme Le Pigeon ou Le Bel Antonio. Le premier à lui donner un grand rôle est Valerio Zurlini dans La Fille à la valise, qui révèle son tempérament d’actrice mais aussi son incroyable sensualité, sa beauté à la fois animale et angélique, sauvage et séductrice. Claudia Cardinale c’est un visage de madone, un corps de rêve, mais c’est aussi une voix rauque particulièrement érotique. Pourtant, elle sera doublée pour ses premiers films tournés en Italie, car elle parle italien avec un accent français prononcé. En effet, grandie en Tunisie alors colonie française, le dialecte sicilien était la langue parlée dans sa famille et le français la langue apprise pendant son enfance au point que, bien qu’ayant toujours eu la nationalité italienne, elle n’a vraiment maîtrisé l’italien qu’à l’âge adulte.
Luchino Visconti devient son mentor et la consacre avec Le Guépard aux côtés d’Alain Delon et Burt Lancaster. Dans ce film somptueux, elle est Angelica, fille du riche maire libéral de Donnafugata, Don Calogero, qui fait ses premiers pas dans la société aristocratique sicilienne. Sa manière de froncer des sourcils, le front légèrement plissé, de faire la moue ou d’éclater de rire à cause des plaisanteries de Tancrède (Delon) sont inoubliables. Le maître la retrouve dans un film plus intimiste, le sublime Sandra, tragédie œdipienne et politique qui aborde avec intelligence le thème de la Shoah. Elle y exhibe la beauté orgueilleuse d’une déesse étrusque. Claudia devient même un objet de jalousie entre deux génies italiens, puisque Fellini « vole » l’actrice à Visconti le temps d’une séquence dans Huit et demi, où Claudia n’incarne pas moins que la muse du cinéaste en crise interprété par Mastroianni, symbolisant dans une tenue d’un blanc immaculé la grâce et l’inspiration. Sa carrière hollywoodienne débute avec La Panthère rose de Blake Edwards. Dans cette comédie sophistiquée elle interprète une princesse indienne. Sa beauté exotique va vite enivrer les Américains. Elle devient une star internationale, sans négliger le cinéma d’auteur (Comencini, Ferreri, Maselli, Cavani, Herzog, Bellocchio), la comédie à l’italienne et le cinéma commercial français qu’elle fréquente régulièrement (Christian-Jaque, Giovanni, Verneuil, Enrico).
Deux classiques du western, énormes succès commerciaux, Les Professionnels de Richard Brooks et Il était une fois dans l’ouest de Sergio Leone lui confèrent un statut iconique. Claudia n’est pas un frêle créature, femme-objet cantonnée aux rôles décoratifs. Farouche et courageuse, elle peut s’imposer en femme d’action au milieu d’acteurs aussi virils que Lee Marvin, Jack Palance, Henry Fonda, Charles Bronson et Jason Robards. Sans parler de John Wayne (à qui elle donne la réplique dans Le Plus Grand Cirque du monde d’Henry Hathaway) qui osa lui faire la déclaration suivante : « Tu es un homme ! » Compliment paradoxal aux vues des mensurations de la belle, mais qui voulait sans doute dans la bouche du « Duke » féliciter un caractère bien trempé et de solides aptitudes physiques. Claudia Cardinale est en effet parfaitement à son aise dans les polars, les films d’aventures et les tournages au grand air, mais aussi très combattante dans la vie sociale italienne où elle n’hésite pas à s’engager activement auprès des mouvements féministes et à défendre les droits des femmes et des homosexuels. Claudia Cardinale a été mariée au producteur Franco Cristaldi entre 1966 et 1975.
Son compagnon de longue date le cinéaste Pasquale Squitieri la met en scène à plusieurs reprises et lui offre quelques-uns de ses grands rôles de la maturité (Lucia et les gouapes, Claretta où elle est la maîtresse de Mussolini). Sa carrière est couronnée par son interprétation magistrale dans La storia de Comencini, adaptation du roman d’Elsa Morante réalisée pour le cinéma et la télévision. Moins présente sur les écrans depuis les années 90, elle n’a pourtant jamais cessé de tourner (on l’a vu dans Un balcon sur la mer de Nicole Garcia l’année dernière) et son immense cote d’amour auprès du public est demeurée intacte.

Nous sommes honorés d’accueillir Claudia Cardinale au festival del film Locarno pour lui remettre un Pardo alla carriera, le vendredi 12 août sur la Piazza Grande. Le même jour, Claudia Cardinale présentera Huit et demi à 16h15 au Fevi. Le lendemain à 10h, une rencontre avec le public sera organisée au Forum, et animée par Sergio Toffetti, ex responsable de la section film du Musée du Cinéma de Turin et directeur adjoint de la Cineteca Nazionale de Rome, actuellement conservateur de l’Archive Nationale du Cinéma d’Entreprise.

 

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