Olivier Père

Locarno 2011 Day 3 : Hommage à Jean-Marie Straub

Jean-Marie Straub (né en 1933 à Metz) et son épouse Danièle Huillet (1936-2006) imposent un style épuré et une approche intransigeante du cinéma dès leur premier film, Non réconciliés d’après Heinrich Böll. Suivront une trentaine de films, courts, moyens et longs métrages tournés en Allemagne, en France et en Italie, qui sont autant de rencontres avec la musique de Bach, de Schoenberg et des textes majeurs de la littérature européenne. Chronique d’Anna Magdalena Bach (1967) puis Othon (1970) leur apportent une reconnaissance critique internationale. Ils s’orientent vers l’essai cinématographique avec Leçons d’histoire (1972), De la nuée à la résistance (1979) ou Trop tôt, trop tard (1982). En 1984, ils questionnent le capitalisme dans Amerika-Rapports de classe, d’après Kafka, puis adaptent Hölderlin  – La Mort d’Empedocle (1986) ; Antigone (1992), Elio Vittorini – Sicilia !; Ouvriers, paysans – , Cesare Pavese – Ces rencontres avec eux… La 63ème Mostra de Venise leur attribue un prix spécial du jury en 2006 pour l’ensemble de leur carrière. Jean-Marie Straub a réalisé neuf court métrages depuis la disparition de Danièle Huillet, dont Itinéraire de Jean Bricard (Quinzaine des Réalisateurs 2008) et O soma luce, d’après Dante, présenté en première mondiale à Locarno en 2010. Cette année, Jean-Marie Straub est de nouveau présent à Locarno avec pas moins de trois nouveaux films courts. D’abord Un héritier, dans le cadre du Jeonju Digital Project. Chaque année le Festival de Jeonju en Corée du Sud demande à trois grands cinéastes de réaliser un court métrage en numérique : cette fois-ci Straub, Claire Denis et José Luis Guerin, tous montrés à Locarno en première internationale comme de tradition. Un héritier (photo en tête de texte, avec JMS) scelle les retrouvailles entre Straub et Maurice Barres, déjà adapté en 1994 avec le moyen métrage Lothringen !, d’après « Colette Baudoche » (1909),  – également projeté à Locarno – portrait d’une jeune femme de la ville de Metz qui dit non à l’envahisseur allemand. Straub est né à Metz et les racines de Barrès sont aussi lorraines. Straub joue dans Un héritier sous le pseudonyme de Jubarite Semaran, anagramme de son nom qu’il avait déjà utilisé pour interpréter Lucus dans Othon (Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou Peut-être qu’un jour Rome se permettra de choisir à son tour).
Les deux autres films courts présentés en première mondiale sont Schakale und Araber d’après Kafka et L’Inconsolable d’après Cesare Pavese, réflexion sur le mythe d’Orphée et continuation de la mise en scène des Dialogues avec Leucò commencée en 1978 avec De la nuée à la résistance. Deux films minimalistes mais dans lesquels on retrouve intactes la force des cadrages du cinéma de Straub, et sa croyance dans le son direct.
Le cinéma de Straub-Huillet est un cinéma de la colère (contre un monde qui va à sa perte) et de la fidélité (à des idées, à des principes de mise en scène et à des textes). C’est aussi un cinéma de résistance, où chaque choix esthétique est aussi politique. Depuis 2007 Jean-Marie Straub met en scène régulièrement des textes de Pavese au Teatro Francesco di Bartolo à Buti, dans la province de Pise. Il consacre tout son temps et son énergie à travailler à la mise en scène de théâtre et de cinéma, entouré d’une petite troupe de fidèles (Barbara Ulrich son assistante, le directeur de la photographie Renato Berta…) et ne viendra pas à Locarno. Ses films parleront pour lui et nous lui adressons toute notre admiration.

 

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