Olivier Père

Elizabeth Taylor, actrice minnellienne

 

Elizabeth Taylor dans Le Chevalier des sables

Elizabeth Taylor dans Le Chevalier des sables

Avec Elizabeth Taylor, décédée le 23 mars de cette année, c’est une des dernières grandes stars hollywoodiennes qui a disparue, mais aussi une femme au destin, à la beauté et à l’intelligence exceptionnels. Grande actrice, grande amoureuse, elle aura vampirisé les hommes et les spectateurs grâce à plusieurs cinéastes de génie croisés dans sa carrière, et quelques rôles mythiques.

 

Avec Spencer Tracy dans Le Père de la mariée

Avec Spencer Tracy dans Le Père de la mariée

Mais un seul cinéaste a filmé Liz Taylor a deux étapes cruciales de sa vie et de sa carrière, celles de jeune femme sortie de l’enfance et celle de femme indépendante et épanouie : le grand Vincente Minnelli, auquel le Festival del film Locarno rendra hommage en août. Liz Taylor a fait sa première apparition cinématographique à l’âge de dix ans et est vite devenue une enfant star grâce à la série des films avec le chien Lassie. C’est Minnelli qui lui confie son premier grand rôle et met en scène son entrée dans l’âge adulte avec sa célèbre comédie Le Père de la mariée (Father of the Bride) en 1950 où Liz interprète la fille de Spencer Tracy. Elle a dix-huit ans, d’une beauté à couper le souffle mais encore très sage à l’écran. Dans la vie elle est déjà mariée à Conrad Hilton Jr, premier d’une longue liste de sept maris, huit mariages et autant de divorces. Le Père de la mariée est une sympathique comédie familiale qui obtiendra un triomphe, au point d’engendrer une suite l’année suivante, toujours réalisée par Minnelli : Allons donc, papa ! (Father Little Divident). A peine remis du mariage de sa fille, le personnage de Spencer Tracy doit cette fois-ci affronter l’angoisse de devenir grand-père. Le film décrit avec beaucoup de tendresse la complicité entre un père et sa fille adorée. 14 ans plus tard, Minnelli retrouve Liz Taylor dans ce qui restera sans doute le dernier chef-d’œuvre des deux artistes, même si le film traîne une mauvaise réputation très injuste depuis le moment de sa sortie : Le Chevalier des sables (The Sandpiper). Liz y apparaît à la fois resplendissante de sensualité et prématurément mûre (elle n’a que 33 ans), portant la marque des excès qui mettront un terme précoce à sa carrière, mais d’une beauté et d’un érotisme fascinants, loin de la ravissante jeune fille classique du Père de la mariée. Elle interprète une artiste éprise de liberté, sexuellement épanouie dans la Californie des beatniks, qui élève seule son fils, se bat contre les hypocrisies de la société et vit une histoire d’amour impossible avec un pasteur marié interprété par Richard Burton. Au-delà des conventions hollywoodiennes, le film est bouleversant. Comme tous les films du turbulent couple Burton Taylor, Le Chevalier des sables se voit d’abord comme un documentaire sur leur liaison passionnelle. L’art de Minnelli parvient à transcender la mythologie personnelle des deux stars, à l’apogée du glamour, dans ce qui demeure un des derniers grands mélodrames hollywoodiens. Seulement un an plus tard, Liz Taylor grimée en vieillarde énorme et alcoolique, caricature prophétique d’elle-même, se livrera avec Burton à une des plus violentes scènes de ménage de l’histoire du cinéma, dans Qui a peur de Virginia Woolf ?de Mike Nichols. Le film sera un succès, mais nous sommes très loin de l’élégance, du raffinement et de la sophistication du cinéma de Minnelli, qui sut si bien comprendre et magnifier la femme et l’actrice Liz Taylor.

 

Catégories : Uncategorized

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *