Olivier Père

Philippe Parreno à la Serpentine Gallery

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Cet été, Philippe Parreno, à l’occasion de la rétrospective qui lui était consacrée au festival del film Locarno, nous avait offert en première mondiale son nouveau film, InvisibleBoy, lors d’une projection spectaculaire sur la Piazza Grande. Philippe Parreno est artiste plasticien et cinéaste, déjà auteur de plusieurs court métrages pour des expositions et d’un long Zidane, un portrait du 21e siècle, co-réalisé en 2006 avec Douglas Gordon et qui connut une large distribution commerciale. Son travail, un des plus important de la scène internationale de l’art contemporain, propose une approche originale de la représentation et de la temporalité, en utilisant une variété impressionnante de supports, des images en mouvement (cinéma, télévision, vidéo, animation) à la sculpture, de la performance à l’écriture. Il est capable de mêler dans un même geste artistique création et critique, à l’instar de ses deux principales sources d’inspiration cinéphiliques, Jean-Luc Godard et Serge Daney. InvisibleBoy n’est pas encore un film, c’est une idée de film. Une idée qui est déjà une forme, des images et de sons, puisque six minutes existent et ont été projetées sur un des plus grands écrans du monde. Les spectateurs chanceux de Locarno, ceux qui connaissaient déjà le travail de Parreno et les autres qui l’ont découvert pour la première fois ce soir-là ne peuvent que s’en souvenir. Le film ne verra peut-être jamais le jour, ou alors sous une forme différente, qui n’aura plus grand-chose à voir avec le concept initial, comme beaucoup de projets cinématographiques. InvisibleBoy n’est ni un court métrage, ni une bande annonce, mais une sorte de maquette préparatoire, un « film test » ou un « film traitement » comme le définit Parreno. Ces six minutes de cinéma sont somptueuses et offrent à rêver un projet qui mêle le documentaire et l’imaginaire, plusieurs niveaux de réalité, plusieurs techniques d’animation. Les images filmées par le grand directeur de la photographie Darius Khondji (Se7en de David Fincher, Io ballo da sola de Bernardo Bertolucci, The Ninth Gate de Roman Polanski et déjà Zidane) dans le Chinatown de New York, montrent les lieux de vie d’un enfant chinois clandestin qui existe vraiment. InvisibleBoy propose « un parcours paranoïaque dans la ville » selon Philippe Parreno dans un entretien publié dans le n° 658 des Cahiers du Cinéma. Le petit garçon, sur le chemin de l’école ou chez lui, est entouré de fantômes et de créatures étranges, issues des contes et des traditions chinoises, qui entrent comme par effraction dans les images du film. Six minutes de rêve qui entrent comme par contrebande dans les rétines des spectateurs. Quatre mois plus tard, Philippe Parreno et InvisbleBoy (ainsi que d’autres films) investissent la prestigieuse Serpentine Gallery de Londres, à l’occasion de la première exposition individuelle de Parreno dans une institution publique en Grande-Bretagne. La Serpentine Gallery est dirigée par Hans Ulrich Obrist, éminent critique d’art suisse célèbre à la fois pour son insatiable curiosité pour tout ce qui touche aux arts, aux médias et à la culture (il est l’auteur d’innombrables ouvrages et d’entretiens avec les personnalités de l’art et du spectacle les plus variées) et l’intelligence absolue de ses choix et de ses goûts. Hans Ulrich Obrist, observateur et commentateur de longue date du travail de Philippe Parreno  était venu cet été à Locarno pour animer une conversation publique avec l’artiste. Lors de nos retrouvailles londoniennes cet automne, Hans Ulrich se réjouissait de ce nouveau tournant de Locarno, qui pouvait se permettre d’inviter des films de toutes provenances productives en évitant le piège, l’ennui et l’imposture du nouvel académisme que constitue souvent le soi-disant « cinéma d’artiste » (comme si les cinéastes n’étaient pas déjà des artistes.) L’inauguration de l’exposition a lieu le 25 novembre, et elle se poursuivra jusqu’au 13 février 2011. À Goa, je n’ai pu rejoindre Philippe et Hans Ulrich pour le vernissage, et je regrette ce rendez-vous manqué car ils font partie de ces personnes dont la conversation et l’analyse des images contemporaines sont toujours fascinantes et éclairantes.

Serpentine Gallery
Kensington Gardens
London W2 3XA, Royaume-Uni
020 7402 6075
Métro : Lancaster Gate
http://www.serpentinegallery.org/

Catégories : Actualités

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