Le bonheur de ma soeur

Berlin, hiver 1995. Un soir, aux abords d’un parc, Ariane implore Christian de ne pas mettre un terme à leur relation amoureuse. Mais le jeune homme est épris d’Isabel, la demi-sœur d’Ariane. Le lendemain, dans son studio photo, il confie à l’un de ses amis être en proie au doute et à l’indécision. Face à la souffrance d’Ariane, rongée par le chagrin et la jalousie, Christian recule chaque fois le moment de la quitter pour vivre avec Isabel…

Triangle amoureux
Il a fallu patienter jusqu’à ses films de maturité pour que l’actrice et cinéaste allemande Angela Schanelec soit internationalement reconnue : Ours d’argent de la meilleure réalisatrice à la Berlinale 2019 pour J’étais à la maison, mais… et Ours d'argent du meilleur scénario en 2023 pour Music. Pourtant, en 1995, alors jeune figure de la nouvelle vague allemande, elle signe un premier long métrage déjà très maîtrisé, à l’écriture picturale singulière, exclusivement construite à l’intérieur de cadres fixes. En outre, elle n’use d’aucun champ-contrechamp lorsque le triangle amoureux formé par Ariane, Isabel et Christian s’affronte ou bien se désire, leurs visages et leurs corps se juxtaposant, décuplant ainsi la puissance de ces face-à-face. Devant Ariane, son amoureuse tragique et implorante, Christian demeure mutique. Cette posture masculine hiératique offre par contraste aux deux femmes d’exister pleinement, l’une, Isabel (interprétée par la cinéaste), dans son bonheur naissant, l’autre, Ariane, dans son insondable souffrance. Dans les lumières blafardes d’un Berlin libéré depuis peu de son mur, les jeux de l’amour deviennent alors guerre de territoire.