Eo

EO se produit dans un cirque aux côtés de sa dresseuse, l’aimante Kasandra. Lorsque l’entreprise, attaquée par des défenseurs des animaux, est déclarée en faillite, le petit âne gris est emporté loin de sa protectrice. Au fil de ses rencontres et de ses évasions, il va alors connaître des expériences parfois heureuses, souvent terribles : employé dans un haras puis une ferme à fourrure, promeneur d’enfants, mascotte éphémère d’une équipe de foot bientôt lynchée par les supporters adverses, passager d’un convoi en partance pour l’abattoir ou compagnon d’un jeune aristocrate italien en perdition…

États d’âne
Alternant plans larges, rapprochés et caméra subjective, Jerzy Skolimowski parvient à transmettre les états émotionnels d’EO ("hi-han" en français) en s’attachant à ses mouvements, sa respiration, son regard successivement pénétré de curiosité, d’effroi et de tristesse – à l’instar de cette larme, déchirante, qui roule sur son museau après le démantèlement du cirque. Entre la Pologne et l’Italie, entre villes mornes et nature plus tout à fait sauvage – les éoliennes scarifient le paysage, les lasers des fusils de chasse transpercent une forêt profonde... –, l’attachant petit âne sarde nous entraîne dans un road-movie singulier où l’exploitation et la mort rôdent à chaque étape. Car si les pérégrinations de son héros à sabots ne sont pas exemptes d’humour, le cinéaste jonche sa route de personnages majoritairement repoussants, qui composent un portrait féroce de l’humanité – à noter l’apparition d’Isabelle Huppert en comtesse incestueuse et briseuse d’assiettes. Mais loin du minimalisme de son modèle, Au hasard Balthazar (1966) de Robert Bresson, Jerzy Skolimowski parsème son récit, éminemment sensoriel, d’effets stroboscopiques, de filtres rouges oniriques, de travellings spectaculaires... Une expérience visuelle sidérante au service d'un plaidoyer magistral pour la cause animale.