Nucléaire : le piège de Poutine
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À la télévision le mardi 15 juillet à 23:40
Une édifiante enquête d'investigation sur Rosatom, la puissante agence russe de l'énergie atomique, redoutable instrument géopolitique de Vladimir Poutine pour accroître son influence dans le monde.
Un cargo russe à destination des États-Unis, qui croise dans les eaux européennes, doit faire une escale technique dans le port de Rostock, en Allemagne. À son bord, les autorités découvrent du bois de bouleau provenant de l'usine d'un oligarque. Soumise à des sanctions européennes, la matière première est saisie. Mais le navire transporte aussi de l'uranium, qui poursuit son voyage. Il provient de Rosatom, la puissante agence russe de l'énergie atomique. Leader mondial pour la construction de centrales nucléaires et l'enrichissement de l'uranium, son réseau opaque de filiales, qui ne cesse de s'étendre, crée des monopoles, rendant l'Europe et les pays de l'OTAN dangereusement dépendants à l'égard du Kremlin. "Poutine a compris qu'avec le nucléaire il pouvait assujettir des pays occidentaux beaucoup plus efficacement qu'avec le gaz et le pétrole. Rosatom, c'est le gouvernement russe", résume un ancien collaborateur de l'agence. Car si l'Occident a réduit ses importations d'hydrocarbures russes, le rentable commerce de l'uranium, matière première ultraconvoitée, la vente de barres de combustible ou encore la collaboration technologique avec Rosatom se développent, comme en atteste la coopération avec la Russie de Framatome, filiale d'EDF, qui se refuse à commenter. Les États-Unis, eux, comptent le plus grand nombre de centrales nucléaires au monde, et espèrent tripler leur capacité d'ici 2050. Mais si ses sous-sols renferment d'importants gisements d'uranium brut, longtemps négligés faute de rentabilité, le pays s'est laissé distancer pour l'enrichissement, dont la Russie contrôle aujourd'hui près de la moitié de la capacité mondiale – une situation héritée de négociations menées à la fin de la guerre froide. Après l'effondrement de l'URSS, Washington rachète à bas prix à Moscou son excès d'uranium de qualité militaire : d'anciennes munitions de guerre sont ainsi recyclées comme combustibles de centrales pour produire 10 % de l'électricité américaine ! Alors que le système Rosatom s'emploie à régner en se rendant indispensable, par quels moyens les puissances occidentales parviendront-elles à s'en émanciper ? Comment exclure les risques d'espionnage et de sabotage ?
L'Occident sous perfusion de Rosatom
Sur trois continents, cette investigation, qui convoque le témoignage d'experts, de cadres de cette industrie et d'opposants russes, met au jour les arcanes de l'omniprésent Rosatom, au cœur du pouvoir de Poutine. Comment le maître du Kremlin s'attache-t-il de nouvelles dépendances via l'énergie atomique ? Qui sont les acteurs des accords nucléaires passés avec la Russie ? Pourquoi les États de l'Union européenne, et notamment la France, continuent-ils à faire des affaires avec Moscou, malgré la guerre en Ukraine ? Depuis le début du conflit, les bénéfices réalisés par l'agence à l'étranger ont doublé. Sous le feu des bombardements, l'Ukraine produit 50 % de son électricité à partir de ses centrales nucléaires, toutes de fabrication russe, comme celle occupée de Zaporijia, dont Trump voudrait prendre le contrôle. À l'heure de la renaissance, prônée par Emmanuel Macron, du programme nucléaire en France, un très instructif éclairage sur un redoutable instrument de pression géopolitique doublé d’une menace militaire.
Réalisation
Johannes Bünger
Laura Schmitt
Vivien Pieper
Pays
Allemagne
Année
2024