Le dernier rhinocéros blanc

C’est un vieillard paisible et fatigué dont le monde entier redoute qu’il rende son dernier souffle. Dernier rhinocéros blanc du Nord mâle vivant sur la planète, au terme d’une existence passée sans liberté dans un zoo d’Europe, Sudan se traîne dans un petit enclos au pied du mont Kenya. Il est le symbole de la stupidité et de l’avidité des hommes, qui ont décimé son espèce à travers un braconnage intensif. Très prisée en Asie, la corne de rhinocéros se vend plus cher que l’or, alors que ses vertus thérapeutiques n’ont jamais été prouvées. Heureusement, Sudan peut compter sur la protection de James Mwenda et Joseph "Jojo" Wachira, ses amis de l’office de conservation d’Ol Pejeta. Deux gardes forestiers dévoués et débordants d’empathie qui ne cessent de le choyer. Au menu quotidien : bains de boue régénérants, repas spécialement préparés, caresses et murmures à l’oreille. Mais le temps qui passe fait son œuvre et les médias internationaux attendent le moment où ils titreront sur l’extinction de l’espèce... 

Compte à rebours 
"Quand il ne sera plus là, on n’aura plus de raison de se battre." L’amertume des sympathiques gardiens de Sudan est à la mesure de la tristesse croissante que procure la vision de ce documentaire, conte cruel dont il faut accepter la fin tragique, qui résonne comme un avertissement lugubre. Comme le résume l’un d’eux, "Sudan n’est qu’une facette du problème. Peu à peu, l’homme contribue à sa propre extinction." Au fil des images, le rhinocéros apparaît comme la quintessence de la douceur et de la fragilité face à la cupidité infinie des humains. Ode à la vie animale saluée dans de nombreux pays, le documentaire de David Hambridge parvient à nous rendre cruciaux – comme si le sort du monde en dépendait – le quotidien de ce mastodonte et la lutte de ses bienfaiteurs en uniforme. Même si les scientifiques avaient prévu de congeler l’ADN du vieux mâle pour cloner l’espèce, ce documentaire témoigne avec force de la nécessité absolue de préserver les derniers espaces sauvages du monde. La Chine a pourtant levé l’interdiction de la vente de cornes de rhinocéros, qui, à ce rythme de prédation, auront tous disparu dans dix ans.