Déserts

Au volant d'une vieille voiture poussiéreuse, deux agents de recouvrement parcourent les villages du grand Sud marocain pour récupérer les remboursements de familles surendettées. Mais dans cette région rurale à la pauvreté endémique, Hamid et Mehdi ont toutes les peines du monde à se faire payer quoi que ce soit. Sans scrupules, ils dépouillent leurs assignés de leurs derniers biens, tapis ou chèvres, qu’ils revendent ensuite sur les marchés, ou gardent leur maigre butin pour eux, quitte à subir les foudres de leur hiérarchie. Mais un jour, ils croisent la route d’un dangereux voyou...

Un Maroc beckettien
Perdus sur des routes sableuses et sans fin, Hamid et Mehdi tentent de lire leur carte routière lorsqu'un coup de vent la fait s'envoler. Dès la première scène, tout est dit : les deux pieds nickelés ont perdu tout repère, toute boussole morale. Mal cintrés dans leurs costumes interchangeables de VRP des villes, aussi miséreux que les paysans qu’ils menacent, ils vivent de rapines au détriment des plus faibles. Des victimes, eux aussi, du capitalisme débridé, exploitées par leur agence et son chantage au rendement. De ce Maroc démuni et combinard, qui semble hors du temps et retranché du monde, Faouzi Bensaïdi tire une fable existentielle aux confins du burlesque. Les deux héros beckettiens, souvent filmés en plans très larges et magistralement composés, sont de fragiles points d'ancrage perdus dans des panoramas grandioses. Souvent mutiques, ils restent interdits devant la beauté qui les submerge et le destin qui les accable. S'il quittait la grisaille finlandaise pour le soleil du Maghreb, Aki Kaurismäki ne tournerait probablement pas un autre film que ce road-trip contemplatif, néo-western drolatique et acide.