Monsieur Verdoux

Après avoir perdu son emploi lors du krach boursier, Henri Verdoux décide de se lancer dans une entreprise plus prospère : épouser de riches veuves puis s’en débarrasser. Les victimes s’amoncellent chez lui jusqu’à sa rencontre avec une jeune fille désespérée, Marilyn. Le cynique revenu de tout se laisse, un moment, attendrir...

Tueur de dames
C’est Orson Welles qui eut l’idée de Monsieur Verdoux et en fit part à Chaplin. Emballé par le thème de cette comédie noire sur la vie de Landru, celui-ci l’acheta 5 000 dollars à Welles et le mentionna au générique. Le film, à double titre, est un tournant pour Chaplin, qui rompt à la fois avec son personnage de Charlot et avec le muet. Jamais il n’a manié le paradoxe avec autant de subtile arrogance, n’a démonté plus âprement les rouages de la société, mis autant en lumière les contradictions et les absurdités de la modernité que dans ce chef-d’œuvre noir au cynisme désespéré. Charlot est mort. Il a subi l’empreinte de son époque et ses exigences. Il est devenu ce que celle-ci l’oblige à être : un assassin. La charge “anti-américaine” du film fit de Chaplin la cible idéale des réactionnaires américains, déjà excités par une campagne de calomnie du FBI et le procès en paternité gagné par l’actrice Joan Barry. La conférence de presse qui accompagna la sortie du film tourna à l’inquisition. Le cinéaste dut répondre de ses positions politiques, de sa loyauté, comme de ses amitiés avec des communistes notoires, tel le compositeur Hanns Eisler. La sortie de Monsieur Verdoux coïncida également avec le début de l’enquête menée par la Commission des activités antiaméricaines pour traquer les tendances communistes dans le monde du cinéma. Le cauchemar commençait, dans la vraie vie, cette fois.