Olivier Père

Léopard d’or pour Right Now, Wrong Then de Hong Sangsoo

Hong Sangsoo et son Léopard d'or, Locarno 2015

Hong Sangsoo et son Léopard d’or, Locarno 2015

La récompense suprême de la 68ème édition du Festival del Film Locarno, le Léopard d’or, a été décerné samedi 15 août au dix-septième long métrage de Hong Sangsoo Ji-geum-eun-mat-go-geu-ddae-neun-teul-li-da (Right Now, Wrong Then, photo en tête de texte). Pour la quatrième fois consécutive les jurés avisés de la manifestation suisse ont consacré un grand cinéaste et un grand film, preuve de clairvoyance et d’intelligence qu’il faut signaler et applaudir. Hong Sangsoo succède ainsi à Jean-Claude Brisseau, Albert Serra et Lav Diaz, hérauts chacun à leur manière de la création et de l’indépendance cinématographiques dans ce qu’elles ont de plus admirable aujourd’hui. Le coréen Hong Sangsoo est l’un des meilleurs – et plus prolifiques – auteurs contemporains. Avec une constance remarquable il signe un ou deux films par an depuis 1996 et son premier long métrage Le jour où le cochon est tombé dans le puits, avec parfois des accélérations de cadence, des budgets et des équipes de tournage réduits à la portion congrue, sans que cela nuise au résultat, bien au contraire. Right Now, Wrong Then puise à la même source narrative que la plupart des films de Hong Sangsoo (un cinéaste en ballade, des jeunes femmes à séduire, des soirées alcoolisées) pour proposer une forme aussi passionnante qu’originale. Malgré l’apparent prosaïsme de ses films, Hong Sangsoo pratique un cinéma du dispositif, son œuvre semble s’abstraire volontairement du réalisme pour s’aventurer sur les berges du rêve et de la distanciation. Dans le cas Right Now, Wrong Then le récit d’une rencontre dans une petite ville entre un réalisateur invité par un festival et une artiste peintre locale est dédoublé. Le film s’interrompt en son centre puis recommence, générique compris. Les films coupés en deux s’orientent habituellement dans leur seconde partie vers des univers parallèles ou diamétralement opposés, ou abandonnant des personnages pour en suivre d’autres. Ici se reproduisent les mêmes situations avec les mêmes protagonistes, avec de subtiles variations dans les dialogues et les prises de vues. Il ne s’agit pas d’un choix survenu au montage parmi différentes prises des scènes. Hong Sangsoo a tourné deux fois la même histoire, permettant aux acteurs de participer eux aussi, par la finesse de leur jeu, à ce procédé ludique qui rappelle que le cinéma de Hong Sangsoo, dans son onirisme et ses postulats théoriques est aussi proche de Resnais et Buñuel que de Rohmer auquel il fut si souvent comparé. L’idée selon laquelle les films de Hong Sangsoo constituent un éternel retour, un long continuum formé de plusieurs propositions alternatives se retrouve au cœur d’un même long métrage. Loin d’être un simple gadget narratif la répétition de Right Now, Wrong Then rejoint les réflexions de Hong Sangsoo sur les thèmes de la rencontre, central dans son œuvre, de la recherche illusoire de l’amour et de l’écriture cinématographique, avec une question que ne cessent de se poser les deux protagonistes du film : la création est-elle consolatrice ? Cette merveille d’intelligence et de drôlerie est portée par deux acteurs fabuleux, Kim Min-hee et Jeong Jae-yeong, qui a remporté à Locarno un plus que mérité prix d’interprétation masculine.

Right Now, Wrong Then sortira en France en février 2016, distribué par Les Acacias.

Kim Min-hee et Jeong Jae-yeong dans Right Now, Wrong Then

Kim Min-hee et Jeong Jae-yeong dans Right Now, Wrong Then

 

 

 

 

 

 

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