Considéré comme un chef-d’œuvre du cinéma polonais, L’Interrogatoire (Przesłuchanie, 1981) possède les attributs du film maudit. Il est sorti brièvement dans son pays en 1982 avant d’être interdit par le gouvernement jusqu’en 1989. Le film de Ryszard Bugajski fut victime d’une longue éclipse car il avait eu le malheur d’être terminé au moment où la loi martiale fut instaurée, en décembre 1981. Il faut attendre le festival de Cannes de 1990 où il est sélectionné en compétition, neuf ans après sa réalisation, pour qu’il atteigne enfin les écrans français, sans pour autant connaître le succès. Sa distribution commerciale s’effectue un an plus tard, le 11 juin 1991 dans l’indifférence générale, malgré le prix d’interprétation à Cannes décerné à Krystyna Janda. L’Interrogatoire est une critique frontale du système socialiste autoritaire de la Pologne pendant la Guerre Froide. Le film montre l’emprisonnement arbitraire d’une jeune chanteuse frivole qui va subir interrogatoires et mauvais traitements de la part d’enquêteurs-tortionnaires pendant plusieurs années, sans aucune charge contre elle, jusqu’à sa libération. Produit par Wajda, le film de Bugajski est représentatif du cinéma politique polonais opposé au régime communiste. La géniale Krystyna Janda se donne corps et âme dans ce film choc, éprouvant et claustrophobique sur la privation de liberté et la torture physique et psychologique dans une prison pour femmes.
Cette excellente édition, sur le même modèle que les deux films de Wajda, permet de découvrir enfin L’Interrogatoire, accompagné d’un livret, d’une intervention filmée Joel Chapron et d’un documentaire de 58 minutes, Nous filmons le peuple ! d’Ania Szczepańska sur le cinéma polonais des années 1980 et la société de production Studio X co-fondée par Wajda, à l’origine de films courageux et engagés avant l’instauration de la loi martiale.
Je l’avais vu lors de sa sortie dans ces années riches de glasnost permettant de découvrir la diversité et la richesse des cinémas de l’est.
C’était très fort et K Janda avait largement mérité son prix. Jamais revu depuis et ça donne envie de vérifier.
Il y a qqs films russes que je reverrais volontiers et que je n’ai jamais pu revoir:
– Lettres d’un homme mort qui imagine un monde à l’agonie après l’apocalypse nucléaire
– Le visiteur du musée, univers de SF post apo où l’ensauvagement de la société rejoint les tableaux d’un Jérôme Bosch
-Le moine noir d’un grand raffinement plastique semble prolonger les recherches poétiques et mystiques de Tarkovski.
D’autres existent en dvd/br:
– La commissaire d’A Askoldov longtemps censuré navigue avec aisance de la comédie sociale vers le témoignage historique
– Requiem pour un massacre de Klimov chef d’œuvre absolu peu remarqué hormis par Starfix via l’ami Nicolas Boukhrief, éclaireur indispensable de ces années là
– Bouge pas, meurs, ressuscite de V Kanevski autre chef d’œuvre fulgurant qui réinvente une enfance dans l’immédiat après guerre via un style intemporel ( sa suite Une vie indépendante m’avait aussi marqué mais là, jamais revue!)
Par contre, les films plus strictement sociétaux comme Taxi blues ou La petite Vera sont certainement un peu » périmés » maintenant même si intéressants.
On oublie combien fut riche le cinéma polonais dans les 60′ 70′ et jusqu’aux 80′.
Quand Cannes a rattrapé La cicatrice en 1990, on découvrait Le decalogue de Kieslowski juste après la version longue de deux commandements ( Tu ne tueras point puis Brève histoire d’amour) et la sortie de qqs magnifiques films antérieurs ( No end, Le hasard…).
A Holland nous avait impressionné avec Amère récolte nomine aux Oscars en 1988.
On pouvait se dire , après Wajda/ Skolimovski/ Has/ Kawalerowicz/ Zulawski que la relève suivait… mais c’étaient un peu les derniers feux et on n’aurait plus que des nouvelles intermittentes du cinéma polonais les décennies suivantes.
Le cinéma était enrichi par cette diversité venue de l’Est et je crois encore aux possibles de cette partie du monde en voyant les films de Pawlikovski Zviagintsev , Serebrennikov ou Losnitza.
Qui créent malgré l’exil, la guerre, les pressions.