Un goût pour l’ambivalence, un don pour la direction d’acteurs, une dose d’ironie et une propension à faire sortir des rails les existences bien rangées caractérisent le cinéma protéiforme d’Anne Fontaine. ARTE consacre un cycle à la réalisatrice, ex-danseuse et comédienne, avec un cycle de quatre films en août, qui se poursuivra avec cinq autres en septembre.
Comment j’ai tué mon père (2001)
Jean-Luc, qui mène une vie paisible et aisée, pensait avoir oublié son père, parti lorsqu’il était enfant sans plus jamais donner de nouvelles. Mais un jour, celui-ci resurgit et ne semble éprouver aucun remords… Tout l’univers d’Anne Fontaine est concentré dans ce film. A travers le canevas familier de l’intrusion d’un élément perturbateur dans un milieu aux apparences paisibles mais trompeuses, la réalisatrice brosse le portrait glacé d’une bourgeoisie rongée par ses névroses.
Ce film, l’un des meilleurs d’Anne Fontaine, ausculte au scalpel les relations père-fils d’une manière assez inédite, très tendue et dénuée de tendresse. C’est aussi un film terrible sur la solitude et l’absence de communication, au sein même d’un couple et d’une famille. La réalisatrice a sorti Michel Bouquet de sa retraite. L’acteur livre une interprétation géniale.
Lundi 11 août à 21h00 sur ARTE et sur ARTE.tv jusqu’au 10 novembre.
Sur arte.tv du 1er août au 31 octobre.
Les histoires d’amour finissent mal… en général (1992)
Prix Jean-Vigo 1993
Dans la France des années 1990, Zina hésite entre deux hommes et deux mondes : Slim, chauffeur de taxi et aspirant avocat (Sami Bouajila dans l’un de ses premiers rôles) ou Frédéric, acteur de théâtre tourmenté… Zina le clame haut et fort : « L’homme de ma vie, pour l’instant, c’est moi ». Servie par des dialogues percutants, cette comédie subtile, premier film d’Anne Fontaine, brosse l’attachant portrait d’une jeune indécise à l’aube de l’âge adulte.
Nettoyage à sec (1997)
Entre deux comédies légères et poétiques, Anne Fontaine signe des films plus sombres, et même transgressifs, voire dérangeants.
En 1996, elle brosse dans Nettoyage à sec un portrait de la bourgeoisie de province et y évoque l’intrusion d’un personnage très sexué qui va bouleverser la routine d’un couple. Ce sont des éléments que l’on retrouve dans d’autres films comme Nathalie… ou Gemma Bovery.
L’ambiguïté des couples et des familles bourgeoises est un grand thème du cinéma français. Cela permet d’aborder la sexualité, refoulée ou vécue, comme point central des comportements humains. On y distingue l’envie, le désir bien sûr mais aussi la perte totale de contrôle, jusqu’au désespoir et la violence. Dans ce film comme dans Entre ses mains, Anne Fontaine s’inscrit dans une certaine tradition chabrolienne.
Gemma Bovery (2013)
Un ex-Parisien reconverti en boulanger dans un petit village normand voit en sa nouvelle et séduisante voisine anglaise l’incarnation de Madame Bovary. Gemma Bovery multiplie les allers-retours entre le chef-d’oeuvre de Flaubert et la fiction du film. Anne fontaine adapte avec intelligence le roman graphique de Posy Simmons et signe une comédie sur le thème de la vie qui imite l’art. La réalisatrice réussit un magnifique portrait de femme, et met en scène cette actualisation du bovarysme avec beaucoup de sensualité. Elle teinte d’ironie et de mélancolie une fantaisie pastorale illuminée par la beauté de Gemma Arterton. Fabrice Luchini est l’acteur idéal pour interpréter un passionné de littérature confronté à ses fantasmes. En cherchant à modeler le destin de Gemma sur celui de l’héroïne de Flaubert, cet amoureux des mots passe du statut de voyeur à celui de créateur.
Le cycle se poursuivra en septembre avec cinq autres films :
Mercredi 10 septembre à 21h00 sur ARTE et sur ARTE.tv jusqu’au 10 décembre.
Entre ses mains (2005)
Cette histoire de mort et de séduction se révèle aussi fascinante que dérangeante. Une jeune femme à la vie tranquille fait la connaissance d’un vétérinaire qui collectionne les conquêtes. Elle ne va pas tarder à découvrir que son nouvel ami cache un terrifiant secret.
Ce thriller fiévreux et troublant, l’un des meilleurs films d’Anne Fontaine, évoque par de nombreux aspects Le Boucher de Claude Chabrol. La cinéaste, qui se plaît à interroger la nature du désir, y explore les zones dangereuses de l’attirance amoureuse et sexuelle. Entre ses mains repose sur la confrontation des deux magnifiques comédiens, Isabelle Carré, mystérieuse et émouvante, et Benoît Poelvoorde, étonnant à contre-emploi, dans le premier rôle dramatique de sa carrière.
Sur ARTE.tv du 1er septembre au 30 novembre :
Augustin (1995), Augustin, roi du Kung Fu (1999), Nouvelle Chance (2006)
Anne Fontaine possède la particularité d’avoir dirigé trois fois son frère cadet, le comédien Jean-Chrétien Sibertin-Blanc, dans le rôle récurrent d’Augustin Dos Santos, personnage à la fois burlesque, timide, phobique et déphasé dont les rêves se heurtent à la réalité. En 1999, Augustin, qui s’est pris de passion pour le Kung Fu après avoir été aspirant acteur, s’installe dans le quartier chinois et fait la connaissance d’un vieux droguiste interprété par Darry Cowl et d’une jolie acupunctrice jouée par Maggie Cheung, superstar du cinéma de Hong Kong. En 2006, on retrouve Augustin dans Nouvelle Chance : cette fois-ci, il est marié à une Japonaise et met en scène des spectacles de patronage un peu rudimentaires. Son chemin croise une chanteuse d’opérette complètement oubliée dans sa maison de retraite et une vedette de la télévision, respectivement Danielle Darrieux et Arielle Dombasle. Anne Fontaine offre à Danielle Darrieux, un des mythes du cinéma français, son dernier grand rôle. L’actrice chante à deux reprises la Folle complainte de Charles Trenet, chanson pleine de tendresse, mais aussi de mélancolie et de sous-entendus sexuels.
Nathalie… (2003)
Fine observatrice des sentiments amoureux, la réalisatrice Anne Fontaine s’intéresse dans Nathalie… au fantasme féminin, au mensonge et à la manipulation. Elle met en scène une étonnante relation triangulaire : une épouse trompée engage une entraîneuse de boite de nuit pour qu’elle devienne la maîtresse de son mari. A partir d’une situation scabreuse, Anne Fontaine signe un film sensuel et subtil qui place l’imaginaire et le pouvoir évocateur de la parole au cœur de son récit. Au fur et à mesure que la jeune femme raconte dans les détails cette liaison sexuelle extra-conjugale, le trouble envahit sa commanditaire, qui devient aussi sa complice. Nathalie… est interprété par un magnifique trio d’acteurs. Le film réunit à nouveau Gérard Depardieu et Fanny Ardant, tandis qu’Emmanuelle Béart s’y montre très convaincante en mystérieux objet du désir qui circule à l’intérieur du couple.
Sur ARTE.tv, vous pouvez aussi retrouver la cinéaste qui revisite ses films le temps d’un entretien
Conversation entre Anne Fontaine et Olivier Père, directeur du cinéma d’ARTE France
Comédies, films biographiques, tragédies historiques, drames sociétaux, contes judicieusement dévoyés… Anne Fontaine les a tous explorés. Avec le souci très précis de toujours livrer un cinéma populaire, la réalisatrice brosse un portrait kaléidoscopique de l’âme humaine occidentale dans ses égarements les plus beaux et fascinants.
Laisser un commentaire