Olivier Père

L’Homme de fer de Andrzej Wajda

Palme d’or au Festival de Cannes en 1981, L’Homme de fer (Człowiek z Żelaza) est un grand film de Wajda et renouvelle l’exploit de L’Homme de marbre, dont il est la suite directe : raconter une page de l’histoire contemporaine de la Pologne, mise en perspective avec les luttes syndicales de 1970, réprimées dans le sang. Le film a été conçu dans l’urgence, à la demande des ouvriers en grève du chantier naval de Gdańsk, auquel Wajda était venu rendre visite. Film-enquête débordant d’énergie, brassant passé en présent, récit collectif et drames personnels, L’Homme de fer a été « tourné à chaud », au moment où le syndicat Solidarność (« Solidarité »), fondé par Lech Walesa, se battait pour sa reconnaissance officielle et réclamait des libertés démocratiques. Le cinéaste réutilise certains procédés narratifs et esthétiques de L’Homme de marbre, mais cette fois-ci le journaliste de la radio-télévision nationale en charge des investigations sur les grévistes est commissionné par le gouvernement communiste, et bientôt en proie à un dilemme moral. Le film se révèle un cas assez exceptionnel d’œuvre historique au présent, où le cinéaste se fait le mémorialiste d’une actualité brûlante inscrite dans l’histoire ouvrière et syndicaliste de la Pologne. Le film mêle éléments de fiction et références explicites à l’actualité polonaise, étayées par des documents authentiques, issus de reportages, notamment de journaux télévisés. Lech Walesa apparaît par ailleurs au cours d’images d’archives, mais aussi dans son propre rôle à l’occasion de passages fictionnels. On retrouve les personnages principaux du premier film, Jerzy Radziwiłowicz (dans un double rôle de père/fils) et Krystyna Janda avec une apparition différée (Agnieszka croupit en prison, sa carrière à la télévision a été brisée). Ce film important avait un peu disparu des radars de la cinéphilie. On peut remercier Intersections de le remettre en lumière, dans une édition Blu-ray parfaite avec des suppléments (écrits et filmés) de qualité. Comme pour L’Homme de marbre, Joel Chapron revient sur le contexte de production et de tournage du film de Wajda, ses déboires avec la censure d’état et son sauvetage par le Festival de Cannes grâce à une sélection surprise (et secrète) et l’obtention de la Palme d’or, lui assurant une reconnaissance internationale, sept mois avant l’instauration de l’état de siège en Pologne qui va contraindre Wajda à quelques années d’exil en France et en Allemagne où il continuera à réaliser des films.

 

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