Olivier Père

Cannes 2025 : Oui – entretien avec Nadav Lapid

Oui (Ken), le nouveau film remarquable de Nadav Lapid, est présenté à la Quinzaine des Cinéastes.

 

Comment est né l’envie de réaliser ce nouveau film sur un musicien qui a décidé de se donner corps et âme aux puissants pour les divertir, dans l’espoir d’accéder à la gloire et à la richesse ?

La question de la relation entre un individu et une communauté, ou un pays, existe dans tous mes films. Je m’intéresse à la capacité d’un individu d’exister face à un groupe. Il est important pour un artiste de chercher à comprendre l’air du temps. J’ai eu l’impression que mon film précédent, Le Genou d’Ahed, allait un peu au bout du cri, du refus, de la colère, du discours véhément d’opposition. Ce n’est pas un hasard si le film se terminait quand le personnage principal décidait d’arrêter avec tout ça et de devenir bon.

Je me suis demandé ce que c’était d’être bon aujourd’hui dans un monde qui profondément est de plus en plus mauvais.

 

Il est dit dans Ken (oui en hébreu) qu’il n’existe que deux mots : le non du refus et de la résistance, le oui de l’acceptation et du renoncement.

 

Ce dont je parle dans le film va bien au-delà de la situation en Israël. Je trouvais qu’aborder ce sujet du point de vue du non avait quelque chose de démodé. La meilleure manière de parler de cette puissance qui domine le monde, c’est en étant écrasée par elle. On se heurte aux limites de la fourmi qui hurle contre un éléphant. La soumission est la seule vérité du temps. A un moment dans le film, Y dit à son fils « résigne-toi le plus vite possible. La soumission, c’est le bonheur. » Mes personnages se sont beaucoup aventurés dans le champ de la rage, de la contestation, de la révolte. Là, c’est le contraire.

Il existait dans mes films précédents le fantasme que grâce aux poèmes d’un enfant, ou aux cris d’un homme, l’écart qui existe entre le monde dans lequel nous vivons et celui dans lequel nous devrions vivre allait se réduire, ou s’anéantir. J’avais envie d’y croire même si je savais que j’allais être déçu. Je me sentais toujours proche de personnages qui se cognaient contre des murs ou des portes fermées. Je suis toujours obsédé par ces portes ouvertes ou fermées, mais se cogner la tête contre elles, pour moi, c’est terminé. C’est devenu archaïque. La manière pour moi d’en parler aujourd’hui, c’est de montrer quelqu’un qui choisit de ramper pour arriver à se faufiler dans l’ouverture de la porte avant qu’elle se ferme. Je pense que cela en dit davantage sur la vérité du monde, la vérité de l’artiste dans ce moment.

Y est mon premier personnage principal passif, dans le sens qu’il accepte tout, se donne sans condition. Cela devient très intéressant sur le plan cinématographique. Par ses mouvements et ses gestes, il est le plus actif possible : il n’arrête pas de bouger, de danser. Mais en fait, sa volonté et son désir ont été stérilisés.

 

Tout en décrivant une situation désespérée, Ken s’apparente à un geste cinématographique plein de fougue et de poésie.

 

Tant que tu t’acharnes à manier une caméra jusqu’à atteindre quelque chose qui peut transcender ton sujet, tant que tu crois à la force d’un objet filmant et d’un objet filmé, tu es forcément à la recherche de la beauté. C’est un film qui par sa manière formelle essaie tout le temps de trouver des petites rédemptions, à l’intérieur d’une sorte de réalité assez triste.

 

Y a-t-il un part d’autoportrait dans le personnage de Y ?

 

Nous sommes tous aujourd’hui des artistes à la porte de Y, même si quelques rayons de soleil nous épargnent de lécher des bottes et des oreilles. Il n’y a pas d’apitoiement dans le film. Mais je dois constater, en tant que réalisateur, que nous sommes souvent réduits à la condition de Y. Y est mon premier héros qui d’une certaine manière n’est pas du tout politique. Il ne comprend rien au monde qui l’entoure, et ne cherche pas à le comprendre. La politique l’ennuie. Il ne veut pas faire partie d’un film politique, mais d’une comédie musicale. Le film l’entraîne contre son gré en direction de la politique, parce que c’est l’état des choses. Y se sent beaucoup plus à l’aise dans la partie comédie musicale, il y est comme à la maison. Malheureusement pour lui, il a besoin d’argent et doit aller à la rencontre du monde, et entrer dans un film politique.

 

Le 7 octobre 2023 le Hamas déclenchait une offensive meurtrière contre Israël, suivie par de nombreuses contre-attaques de l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Dans quelle mesure cet événement historique a-t-il bouleversé l’élaboration de votre film, dont le scénario avant été écrit au printemps de la même année ?

 

Je me sens un peu comme Y puisqu’au départ je ne voulais pas réaliser un film qui soit perçu comme politique. J’étais à Paris le 7 octobre et j’ai été choqué comme beaucoup de gens par ce qui était en train de se passer en Israël. Au-delà de l’événement, puisque je suis cinéaste, je me suis demandé, au bout de quelques heures, à quoi cela pouvait encore servir de faire des films, et en particulier celui que j’étais en train de préparer, sur la condition d’un artiste. Cela a duré une dizaine de jours avant que je commence, avec prudence, à rouvrir mon ordinateur et examiner le scénario. La première phrase du scénario est demeurée dans le film. Elle provient de la bouche du chef d’état-major qui invite Y à une guerre de chansons. La deuxième phrase est celle de Jasmine, l’épouse de Y, qui lui dit « laisse chef d’état-major gagner. » Pour moi ces deux phrases sont liées aux attaques du 7 octobre. La défaite magistrale de l’armée a été une des raisons principales de la vengeance qui a suivi. Le 7 octobre n’avait pas encore eu lieu, mais l’état d’Israël n’était pas si différent. Le scénario original a subi quelques modifications, sans être totalement transformé. Je viens d’un pays où la vie et la mort font partie du quotidien. C’est peut-être cela qui distingue un réalisateur israélien d’un réalisateur français : un réalisateur israélien ne peut pas s’échapper de l’état ou de la politique de son pays. Tu peux te cacher tant que tu veux, mais le pays viendra te trouver.

 

En acceptant de composer un hymne patriotique, Y devient un agent de la propagande israélienne.

 

J’aimais l’idée que l’acte guerrier de Y envers Gaza se résume à la composition d’une mélodie. Tandis que des avions et des canons bombardent Gaza, Y lance des notes de musique. Deux semaines après le 7 octobre, je suis retourné en Israël pour chercher à comprendre ce qu’il s’y passait. J’ai rencontré beaucoup de gens pour les écouter : des amis, des connaissances, des chanteurs de rock, des cinéastes. Tous, à leur manière, ont travaillé pour la guerre, avec des chansons ou des vidéos. Il y avait une union sacrée. C’était aussi la guerre des artistes. L’art, en Israël, a choisi son chemin.

 

On remarque dans les décors du film l’omniprésence du drapeau israélien. Quelle est la part d’exagération ?

 

C’est le strict reflet de la réalité aujourd’hui. Il y avait dans le projet un potentiel qui est devenu actuel. Le pays était déjà assez frontal, mais les nuances sont tombées. L’ambiguïté n’a plus sa place.

 

Il y a de nombreuses séquences dansées et chantées dans le film.

 

J’ai tendance à présenter le film comme une tragédie musicale. Dans tous mes films précédents il existait une dichotomie entre la parole et le mouvement. Avec ce film, je voulais proposer un personnage qui ne se sert pas beaucoup des mots. Ma foi en la parole s’est épuisée. Pour Y aussi. Dans son activité de musicien, il compose la mélodie mais n’écrit pas les paroles. Ne pas être dans l’expression verbale lui permet d’esquiver, de se cacher dans la danse et la musique. Quand on lui pose une question, en guise de réponse il danse. Dans plusieurs films le fou du roi dit la vérité en chantant et en dansant. Les danses et les chants constituent alors un chemin alternatif pour dire la vérité quand les mots sont interdits. Au contraire, les chants et les danses de Y rejoignent la violence des mots et des armes. Pourtant, je ne pense pas que le film pointe un doigt accusateur sur Y. Il y a à la fin du film l’idée de partir, et l’idée de l’amour. Il y a la volonté de s’échapper de tout ça, même s’il ne peut s’agir que d’une solution temporaire.

 

Dans une scène d’allégresse, les mains de Jasmine et Y conversent et sont filmées à la place de leurs visages. Il y a dans votre film la volonté d’exploiter toutes les parties du corps, et de leur conférer une grande expressivité.

 

Je suis fasciné par les parties du corps qui sont moins filmées que les autres. Il existe une discrimination dans l’histoire du cinéma envers certains membres du corps. Les yeux, la bouche possèdent une supériorité écrasante sur d’autres organes. L’énorme avantage du cinéma, c’est finalement de mélanger les paroles et les corps.

 

La bouche joue un rôle essentiel dans Ken. La Bouche pour chanter, embrasser bien sûr, mais aussi lécher, dévorer, ingurgiter, vomir. L’importance de la bouche souligne la voracité de Y et Jasmine, leur appétit effréné d’argent et de réussite, qui provoque un dégoût certain.

 

C’est un film où la bouche parle peu, contrairement à Synonymes et au Genou d’Ahed. Elle est occupée à faire autre chose. Elle n’a plus de mots mais elle est restée très active.

 

La bouche est liée à l’obsession de la nourriture qui traverse le film. Vous détournez la nourriture de sa fonction première, alimentaire. L’ingestion frénétique de nourriture est ici associée aux notions d’obscénité, de souillure, de prostitution. Ce qui est à l’origine naturel devient dans le film contre-nature.

 

La nourriture dans le film constitue une forme d’humiliation permanente pour ceux qui la consomment. Soit tu parles, soit tu lèches et tu te goinfres.

 

Lors de l’ouverture de Ken, une fête décadente parmi les ultra-riches, vous citez de manière explicite le tableau de George Grosz Les Piliers de la société. Vous utilisez tout au long du film la caméra comme un pinceau, avec la tentation de l’abstraction visuelle dans plusieurs séquences. Avez-vous été inspiré par le futurisme, le dadaïsme, l’expressionisme ou d’autres courants artistiques ?

 

Oui, énormément. Je suis fasciné par le projet impressionniste de ne pas dessiner la voiture mais l’émotion qu’a laissée la voiture en passant. Ou alors par l’œuvre de Jackson Pollock qui se rue sur la toile avec les pinceaux, pour mélanger le hasard et la création, et libérer le geste de la pensée. Je trouve ce défi mille fois plus intéressant, et plus grand, avec une caméra qui est un outil extrêmement stérile à la base, et extrêmement fidèle à la réalité. Il faut laisser entrer dans un film le chaos du monde. Le danger des films trop précis et trop lisses est de ne finalement parler que d’eux-mêmes, et d’échouer à parler du monde entier. J’aime le proverbe qui dit que quand tu danses, tu sens le monde danser avec toi. J’ai essayé dans mon film de prendre cette phrase à la lettre, et c’est beaucoup plus facile à dire qu’à filmer.

 

Comment avez-vous choisi les musiques et les chansons du film, par exemple Love Me Tender d’Elvis Presley ?

 

Je pense que chaque scène d’un film doit contenir l’entité du film en entier, et toutes les tensions centrales qui composent le film. Et surtout la première scène. La fête inaugurale se termine par une bataille de chansons, avec les piliers de la société, conduite chef d’état-major qui hurle Love Me Tender, une chanson d’amour, déformée par la folie du collectif, comme si c’était une chanson de guerre. Le couple commence par résister, puis finit par se rendre. En se rendant, il restitue à Love Me Tender sa dimension de chanson d’amour absolu. J’ai aimé l’idée de prendre une chanson comme Love Me Tender, de la détourner puis de la retourner. Toutes les idées du film, la folie du groupe qui pourrit l’amour, la tension entre le privé et le collectif, existent déjà dans cette scène, et cela passe par la musique. J’aimais aussi l’idée qu’un chef d’état-major chante du Elvis Presley. S’il y avait eu une armée de chanteurs, Elvis aurait pu en être le chef d’état-major, avec sa virilité bizarre que j’associe à la virilité militariste israélienne.

 

Pouvez-vous nous parler de la vidéo musicale de propagande que l’on voit à la fin du film ?

 

Je n’ai rien inventé. Quelques semaines après les attaques du 7 octobre et le début de la guerre à Gaza, des consultants stratégiques se sont réunis pour remonter le moral du peuple, avec toutes sortes d’initiatives. Ils ont ainsi pris une chanson mythologique israélienne écrite au moment de la naissance du pays, dont ils ont détourné les paroles pour la transformer en hymne de de la vengeance et de la tuerie. Ils ont aussi filmé une chorale d’enfants en train de chanter cette chanson. On peut dire que le film est aussi l’histoire de la création d’une chanson. Les paroles terribles que Y doit mettre en musique sont bien réelles. Elles ne sont pas le fruit de mon imagination.

 

Y entretient une relation conflictuelle avec sa mère décédée, à laquelle il s’adresse en levant les yeux au ciel, et qui parfois exprime sa désaprobation.

 

Les seuls moments de tendresse du Genou d’Ahed étaient ceux où le personnage principal parlait avec sa mère malade.

Dans Ken, la mère de Y représente la conscience et la morale qu’on veut faire taire, mais qui parvient quand même à menacer de faire chavirer le yacht d’amusement et de stupidité des nationalistes, ou fait tomber des pierres sur Y, après qu’il a craché ses notes sur la ville bombardée de Gaza. Ses interventions donnent au film une dimension mystique.

 

Comment présenteriez-vous le personnage de Jasmine, qui partage la vie de Y ?

 

Ils dansent ensemble, s’amusent ensemble et se prostituent ensemble. Mais je pense que la prostitution est pour Jasmine un outil, tandis qu’elle devient pour Y un état existentiel. Y devient accro à la soumission. La seule chose qu’il est capable de dire, c’est oui. Jasmine est une combattante, à la différence de Y.

 

Le film contient des séquences d’effets spéciaux surprenantes.

 

Nous vivons dans un monde très technologique. Il y a un mélange dans le film de technologies futuristes, par exemple le chef de la propagande avec une tête-écran, et des choses très primitives, comme lorsqu’il donne des coups de tête sur un téléphone pour envoyer des messages. Cela exprime le temps de passage entre la déshumanisation totale et une sorte de simplicité de la vie qui est encore là. Cela renforce aussi l’aspect fable ou légende du film. On y rencontre des personnages légendaires, comme ce Russe, l’homme le plus riche du monde. C’est quelqu’un qui dépasse les règles de la nature. Il est capable de faire pousser un gratte-ciel dans le désert en quelques secondes, mais il le fait grâce à une télécommande pourrie. Cette tension dans le film est toujours là. Je regrette que la plupart de films aujourd’hui sont plus sages que la réalité. Quand on va sur Google, ou sur un site d’infos, ou même qu’on regarde dans la rue, on observe des choses beaucoup plus folles et inquiétantes que dans un film de fiction.

 

La deuxième partie du film, la traversée du désert, propose un voyage introspectif dans l’espace mais aussi dans le temps, où sont convoquées la mémoire et l’imagination.

 

La première partie est celle de l’exubérance. Tout y est excessif. Elle est trop colorée, trop bruyante, trop dansée, trop trash. Elle témoigne aussi d’un aveuglement face à la réalité. On y ressent une forme de perversion évidente. La deuxième partie est en apparence beaucoup plus noble et posée, avec de vraies conversations. En même temps, elle montre une réalité où l’intime n’existe pas. A quoi sert l’intimité en temps de guerre, pendant que Gaza est bombardé ? Les anciens amoureux ont beau évoquer leur jeunesse, leurs émotions, ils sont totalement dévorés par la situation actuelle. S’embrasser face à Gaza qui brûle, c’est à la fois être israélien mais aussi citoyen du monde. Pour moi, la deuxième partie n’est pas plus saine que la première. Elle propose juste une manière très différente, par sa forme et ses personnages féminins, de montrer la déshumanisation du monde. Les déclarations d’amour, les baisers deviennent dérisoires, s’annihilent et se pervertissent complètement devant l’horreur de la guerre. Nulle échappatoire dans ce départ de la ville en direction de la nature. On connait bien le vieux thème de la quête de l’artiste qui entreprend une sorte de voyage existentiel pour chercher l’inspiration, accoucher de son œuvre. Ici, cette inspiration est la pire que l’on puisse imaginer.

 

Qui sont les interprètes de Y et Jasmine ?

 

Ariel Bronz n’était pas exactement un acteur avant de jouer dans mon film. C’est un créateur de spectacles d’avant-garde, très radicaux et provocateurs. Il est brillantissime. Quand je l’ai rencontré, il m’a avoué que son rêve était de jouer dans un film commercial ou une série télé. J’ai été ému par sa volonté simple d’être « normal ». En Israël le cinéma agonise et les acteurs sont souvent contraints pour vivre de participer à des projets stupides. Tout ce qui est alternatif est devenu tellement minoritaire. Ariel voulait faire partie de la stupidité ambiante qui permet aux artistes d’être aimés. Il était donc à mes yeux le Y parfait, à tous points de vue. Je vois sur lui ce que je vois aussi sur Y dans le film. Y a beau lécher des bottes, je ne pense pas qu’il parviendra à ses fins. Il est trop étrange pour ça. Il est touché par la malédiction de la singularité.

 

Efrat Dor se situe à l’opposé d’Ariel Bronz. C’est l’Actrice. Elle a été une vedette d’une série télé très populaire en Israël. Quand elle était plus jeune, son rêve était de devenir une star américaine. Elle a passé onze ans à Los Angeles, où elle a travaillé comme une folle. Mais son projet de carrière internationale ne s’est pas réalisé. Pour moi, elle est une Jasmine parfaite, car elle contient comme on personnage cet écart entre le rêve et la réalité, avec tout son talent, son courage. Quand on voit Ariel et Efrat ensemble, on distingue très vite leurs similitudes et leurs différences, qui existent également dans le film.

 

Naama Preis, qui interprète Lea, aurait pu elle aussi être une Jasmine parfaite. Mais j’ai trouvé plus intéressant de lui confier le rôle de l’ex amoureuse de Y, la femme des mots, pas du corps. C’est le seul personnage du film qui parle vraiment.

 

Comment s’est déroulé le tournage, dans un pays en guerre ?

 

Pour la première fois de ma vie, de nombreux techniciens ont refusé de travailler sur le film, sur la base de son sujet, et aussi à cause de moi. Chaque jour, un nouveau technicien abandonnait le tournage. J’ai eu des échanges assez vifs avec des gens qui m’expliquaient pourquoi ils ne voulaient pas participer au film. Nous avons dû engager un chef maquilleur serbe, car nous avons découvert que tous les maquilleurs en Israël sont très patriotes. Je me suis dis que ce n’était pas moi qui avais changé, mais la réalité du pays. Même chose avec des acteurs qui avaient très envie au départ de jouer dans le film. Leurs agents nous ont appelé pour nous dire qu’ils avaient changé d’avis, avec des explications étranges. C’était choquant. Cela nous a plongé dans un état un peu paranoïaque. Lorsque nous avons tourné à Chypre, la guerre avec le Liban a éclaté. Nous avons dû écourter le tournage.

Filmer en pleine guerre a posé une multitude de problèmes à la production, et a augmenté le coût du film. Lorsque nous avons filmé face à Gaza, avec cet énorme nuage de fumée noire, toute notre bande sonore était remplie de vraies explosions. Quand tu filmes une scène de baiser sur la colline devant Gaza, tu te demandes combien de gens seront morts à la fin du tournage. Il y avait dans l’équipe un technicien dont le père était un otage assassiné par le Hamas. Et un autre qui disait que son fils soldat était en train de bombarder Gaza. Quand nous avons tourné la scène sur la fameuse « colline de l’amour », durant une journée très chargée en explosions, nous l’avons fait en mode guérilla, avec une petite équipe, car nous étions dans un zone militaire interdite. L’armée est intervenue et a demandé que nous arrêtions le tournage. Heureusement, nous sommes tombés sur un jeune officier conciliant et curieux qui a engagé une conversation sur le cinéma avec l’équipe, et nous a accordé la permission de tourner pendant six heures.

 

Entretien réalisé pour le dossier de presse du film le 3 mai 2025.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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