Olivier Père

Bloody Mama de Roger Corman

Bloody Mama (1970) vient nous rappeler que Roger Corman ne fut pas seulement un producteur opportuniste, un dénicheur de talents, un fournisseur de séries Z pour les drive-in, puis les vidéoclubs, puis les chaines câblées et la VOD pendant 50 ans, mais aussi, parfois, un très bon cinéaste : Bloody Mama est une commande de la AIP (American International Pictures), pas un projet personnel comme la plupart de ses films. Le petit studio indépendant spécialisé dans le cinéma d’exploitation, avec lequel Corman a souvent travaillé dans les années 60, comptait certainement profiter du succès de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, qui proposait aussi une relecture moderne des méfaits de gangsters célèbres des années 30, en faisant reculer les limites de la représentation de la violence lors de son carnage final. La famille Barker, composée de la mère Kate et des quatre fils, a existé et le film de Corman en brosse la chronique sanglante, quitte à prendre certaines libertés avec la réalité. L’introduction montre un traumatisme enfantin et donne une clé psychanalytique au comportement trop possessif, allant jusqu’à l’inceste, de Ma Barker envers ses garçons. Elle fait le serment que ses fils seront tout pout elle, et qu’elle les protégera jusqu’à la mort. Bloody Mama est un film très rythmé, violent et dérangeant en raison du catalogue de perversions sexuelles et morales qu’il déploie (nymphomanie, relations sadomasochistes, toxicomanie, meurtres d’otages et de policier.) Corman explique en partie la dépravation de la famille Barker par le contexte de la Grande Dépression qui aggrava la misère mais aussi la criminalité et le vice dans les états les pauvres du pays. Le film a été tourné en Arkansas, loin des studios hollywoodiens, ce qui lui confère un réalisme certain. Des images d’archives scandent le film et nous restituent la chronologie historique du krach boursier. Shelley Winters, en matrone psychotique obsédée par sa couvée, est géniale. Enseignante à l’Actors studio, Winters choisit elle-même parmi ses élèves les jeunes acteurs qui allaient interpréter ses fils. C’est ainsi que Bloody Mama offre à Robert De Niro son premier rôle, celui du fils toxicomane de Ma.

ESC propose une édition combo DVD/BR d’excellente qualité. Les suppléments comprennent un livret synthétique de Marc Toullec, un entretien avec Roger Corman et un documentaire de Alexandre Jousse qui part de la vague de criminalité qui balaya l’Amérique pendant la Grande Dépression (Dillinger, Bonnie et Clyde, Baby Face Nelson…) pour s’arrêter sur la véritable histoire de Ma Barker et ses fils, l’adaptation qu’en fit Corman au cinéma, puis la vague de films criminels féminins engendrée par le succès de Bloody Mama, et produits par Corman, à commencer par Bertha Boxcar de Martin Scorsese (pour AIP), puis Big Bad Mama de Steve Carver ou Crazy Mama de Jonathan Demme (pour sa société New World Pictures).

Catégories : Actualités

Un commentaire

  1. MB dit :

    un truc dont je me souvenais pas dans ce film c’est qu’à un moment les fils de Winters se révoltent contre elle et refusent de lui obéir, du moins l’aîné joué par Don Stroud prend la direction du gang, et la pauvre doit s’incliner lamentablement… c’est assez glauque

    Vous rappelez que Winters a été prof à l’Actor’s Studio, je me souviens avec régal de son cours filmé par Michel Ciment et Annie Tresgot dans leur doc ah comment le revoir celui-là…

    C’était une actrice lumineuse!

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