Olivier Père

Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica et Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini

Ces deux classiques du cinéma italien permettent de retrouver deux des grands maîtres du néo-réalisme aux antipodes de leurs carrières respectives. Réalisé en 1970, Le Jardin des Finzi-Contini est le dernier film important de Vittorio De Sica, qui décédera quatre ans plus tard. D’abord comédien et metteur en scène de théâtre, puis acteur vedette et également réalisateur de comédies sophistiquées et de mélodrames dans les années 30 et 40, Vittorio De Sica devient l’un des auteurs majeurs du néo-réalisme italien, avec Rossellini et Visconti, lorsqu’il réalise Sciuscia et Le Voleur de bicyclette en 1946 et 1948, qui assoient sa notoriété dans le monde entier. La suite de la carrière de De Sica est plus inégale et déconcertante, passant du chef-d’œuvre Umberto D à des comédies à succès qui lancent la mode du « néo-réalisme rose » ou des grosses productions internationales avec des vedettes américaines, qui désignent De Sica comme un cinéaste désinvolte et opportuniste, doublé d’un acteur qui cachetonnait pour payer d’énormes dettes de jeu. Pourtant, il ne faut pas oublier qu’il a signé deux films importants et courageux dans les années 60, La ciociara d’après Moravia qui offre à Sophia Loren son meilleur rôle et Il boom, sans doute l’une des comédies italiennes les plus noires et grinçantes, avec un Alberto Sordi génial. Le Jardin des Finzi-Contini est l’adaptation d’un roman de Giorgio Bassani qui aborde les conséquences des lois raciales décidées par le régime fasciste en 1938, et dont l’écrivain et sa famille, membres de la bourgeoisie juive de Ferrare, furent victimes. Le jardin des Finzi-Contini est le lieu privilégié où se retrouvent des jeunes gens de la bonne société, certains inconscients du danger qui rode et plus concernés par des histoires d’amour naissantes ou contrariées, malgré leur hostilité au fascisme. Le jardin est filmé comme un Eden, un paradis bientôt effacé par les rafles antisémites. En raison de son esthétisme et de son sujet, on pense davantage à Luchino Visconti, Valerio Zurlini ou Mauro Bolognini qu’à Vittorio De Sica, qui hérita du projet, devant ce mélodrame historique très émouvant, magnifiquement éclairé par le grand directeur de la photographie Ennio Guarnieri, qui sublime la beauté des lieux et des jeunes interprètes du film, Dominique Sanda, Fabio Testi, Helmut Berger et Lino Capolicchio.

 

Considérée comme l’acte de naissance du néoréalisme en 1945, Rome, ville ouverte constitue également une date clé de la modernité cinématographique. Rossellini décide de remettre en question les principes esthétiques du cinéma et sa fabrication devant la catastrophe morale que représentent la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences sur les populations européennes. Avec Rome, ville ouverte, Roberto Rossellini invente un art du présent, qui documente une page tragique du XXème siècle davantage qu’il la reconstitue. Le film est un hymne à la résistance sous l’occupation nazie de la capitale italienne, avec le martyre de trois de ses courageux habitants : une femme du peuple, un ingénieur communiste et un prêtre. Les conditions précaires de tournage participèrent à la forme révolutionnaire du film. Rossellini et son scénariste Sergio Amidei combinent à des méthodes nouvelles la puissance narrative du cinéma classique. Une date, et un chef-d’œuvre.

 

Lundi 17 juin sur ARTE

20h55 : Le Jardin des Finzi-Contini

22h30 : A la recherche du jardin des Finzi-Contini (documentaire)

23h20 : Rome, ville ouverte

Films également disponibles sur ARTE.tv

 

 

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5 commentaires

  1. Comet dit :

    Bonsoir. ça Le Jardin des Finzi-Contini c’est vraiment excellent. Sur le thème de l’Italie pendant la seconde guerre mondiale que pensez-vous de La Peau de Liliana Cavani ? Perso je l’ai revu récemment et j’ai trouvé ça très bon.

    • Olivier Père dit :

      Moi aussi je trouve le film de Cavani très bon, c’est même un de ses meilleurs. d’après le roman de Curzio Malaparte, exceptionnel.

  2. Comet dit :

    Je ne sais pas ce que vous en pensez mais le grand problème avec Rome, ville ouverte c’est quand même l’attitude de Rosselini pendant la seconde guerre mondiale. Ça donne au film un goût un peu spécial.

  3. Ballantrae dit :

    C’est une contradiction ( Rossellini cinéaste de propagande/ Rossellini témoin néo réaliste de son temps) aisée à dépasser si on regarde le film avec sa force, sa vibration, ses innovations.
    Il faudrait toujours pouvoir découvrir chaque film en soi, presque sans indices concernant son auteur.
    Puis apprendre ces informations et réussir à les appréhender avec distance, sans distribuer les bons et mauvais points. Seul le cinéma compte face à un film, pas l’exemplarité biographique de l’artiste.
    Je suis de ceux qui ne refuseront jamais de voir et d’aimer un film à cause des errances de leur auteur.
    Par exemple, certains cinéphiles des 50′ 60′ refusaient le cinéma d’Elia Kazan à cause de ses choix problématiques lors de la chasse aux sorcières.
    Oui il a fait le mauvais choix, assurément. Mais son parcours de cinéaste est remarquable jusqu’au bout avec Le dernier nabab.
    Idée géniale de M Ciment: avoir réuni les deux ennemis Kazan/ Losey dans un seul ouvrage. Prouvant que le cinéma seul compte en définitive!

  4. Ballantrae dit :

    Quant à La peau de L Cavani, c’est un film assez impressionnant parfois. Mais je ne sais ce qu’il doit à la force du récit de Malaparte et ce qui appartient à la réalisatrice.
    Il me faudrait le revoir.

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